« La Bouqala », un jeu issu du patrimoine algérois… Découvrez ses origines et le secret de ses veillées ramadanesques

« La Bouqala », un jeu issu du patrimoine algérois… Découvrez ses origines et le secret de ses veillées ramadanesques - Algérie

La Bouqala est un jeu ancien issu du patrimoine algérois, où les femmes excellent dans l’art de composer des proverbes et des dictons en dialecte algérien. Autrefois et encore aujourd’hui, ce jeu est particulièrement pratiqué lors de rassemblements féminins, notamment durant les veillées de mariage ou les soirées ramadanesques.

Un rituel convivial et traditionnel

La Bouqala se déroule généralement dans un cadre intime, souvent au sein des foyers, où une femme accueille un groupe de convives, majoritairement des jeunes filles célibataires, autour de plateaux de pâtisseries et de thé. L’hôtesse prépare un récipient en terre cuite (appelé Bouqala), y verse un peu d’eau et invite chaque participante à y déposer une bague. Le récipient est ensuite recouvert d’un tissu léger.

Le charme du jeu réside dans l’interprétation des vers populaires ou des énigmes récitées par une femme âgée, généralement la plus expérimentée du groupe. Selon la tradition, chaque jeune fille doit formuler une intention secrète concernant une personne spécifique et nouer un pan de son vêtement, que ce soit son foulard ou la ceinture de sa jupe.

L’aînée du groupe déclame alors une Bouqala à voix haute, tandis que les participantes écoutent attentivement. Si le poème est porteur de bonnes nouvelles et de présages favorables, l’excitation grandit et chacune espère en être la destinataire. En revanche, si la Bouqala est empreinte de tristesse ou d’un mauvais présage, toutes redoutent d’être désignées.

Une fois la récitation terminée, une fillette ou l’une des participantes tire un bijou du récipient, attribuant ainsi la Bouqala à sa propriétaire.

Un patrimoine vivant, entre tradition et modernité

Ce jeu, profondément ancré dans les traditions algériennes, demeure pratiqué de nos jours. Dans certaines célébrations, les Bouqalates sont désormais écrites sur de petits papiers distribués aux invitées comme une forme de divertissement. Chaque participante découvre ainsi son présage en le lisant à voix haute.

Pour de nombreuses familles algériennes, la Bouqala reste une tradition précieuse qui a su résister à l’épreuve du temps et à la modernité. Elle est perçue comme une pratique culturelle inoffensive, à mille lieues des pratiques de sorcellerie ou de divination. Elle débute d’ailleurs par une invocation religieuse qui éloigne toute ambiguïté :
« Bismillah bdit, wa ‘ala nabi sallit, wa ‘ala sahaba rdhit, wa ‘ayyat ya Khaliqi ya Mughith kull Mughith, ya Rab as-Sama’ al-‘Ali »
(« Au nom de Dieu, je commence, sur le Prophète je prie, aux compagnons j’accorde ma bénédiction, et j’appelle mon Créateur, le Secours de tout secours, Seigneur des cieux élevés. »)

Afin d’éviter toute confusion avec des croyances douteuses, certaines familles ont même épuré les Bouqalates de toute référence aux saints ou aux croyances populaires, conservant uniquement des poèmes empreints de sagesse et de morale. Ainsi, ce jeu populaire continue d’enrichir l’héritage oral algérien à travers ses proverbes, poésies, chansons et énigmes.

Les origines controversées de la Bouqala

L’origine de la Bouqala divise les historiens. Certains attribuent ses racines à l’Empire ottoman, tandis que d’autres y voient des similitudes avec des rituels mystiques pratiqués par des communautés orthodoxes. D’autres encore estiment que la Bouqala puise ses origines dans l’Antiquité phénicienne, notamment dans la ville de Cherchell. Ce qui fait cependant consensus, c’est que ces poèmes et dictons sont bel et bien d’origine algérienne, bien que l’on retrouve des traditions similaires au Maroc et en Tunisie.

Exemple de Bouqala :

« Bismillah bdit… wa ‘ala nabi sallit… wa ‘ala as’hab al-asma’ alli tabda bil-ba hadhi al-Bouqala nawayt… »
(« Au nom de Dieu, je commence… Sur le Prophète je prie… et à ceux dont le prénom commence par la lettre B, cette Bouqala est destinée… »)

« J’ai plongé au fond de la mer, j’ai étalé un tapis, une fée est apparue et m’a dit : Que t’arrive-t-il, ô jeune fille ? J’ai répondu : Mes proches sont partis et m’ont laissée seule. »

Moralité : Mauvaise est la nourriture obtenue par l’injustice.

Ainsi, la Bouqala demeure un précieux héritage culturel, reflétant la richesse du patrimoine oral algérien et perpétuant un art poétique populaire qui traverse les générations.

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