Ennaâma Asfari, figure du combat du peuple sahraoui pour son droit à l’autodétermination, détenu arbitrairement

Ennaâma Asfari, figure du combat du peuple sahraoui pour son droit à l'autodétermination, détenu arbitrairement

PARIS – Figure du combat du peuple du Sahara occidental pour son droit à l’autodétermination dans les territoires illégalement occupés par le Maroc depuis 1975, Ennaâma Asfari est « arbitrairement détenu depuis 2010 au Maroc », affirme le quotidien français « L’Humanité » qui lui a consacré, mercredi, un article sous le titre « Ennaâma Asfari, détenu depuis 14 ans sans preuves par le Maroc ».

« Le prisonnier politique sahraoui, militant du droit à l’autodétermination, est arbitrairement détenu depuis 2010 au Maroc », soutient d’emblée ce journal qui a pu le joindre dans sa prison de Kenitra.

Soulignant que cela fait « quatorze ans que d’infranchissables murailles l’enserrent », le journal rappelle que Ennaâma Asfari avait été enlevé à Laâyoune le 7 novembre 2010, la veille du violent démantèlement par les autorités marocaines du camp de protestation organisé par la société civile sahraouie à Gdeim Izik.

« Avec 24 de ses compagnons, il avait été accusé des meurtres de plusieurs auxiliaires de police participant à cette opération répressive, alors même qu’il ne se trouvait plus sur les lieux », révèle le quotidien français.

En 2013, au terme d’un procès inique, poursuit le journal, « un tribunal militaire avait condamné sans preuves ces militants à des peines allant de vingt ans de prison à la perpétuité ».

« Trois ans plus tard, ce verdict était annulé en vertu d’une réforme interdisant la comparution de civils devant une juridiction militaire », indique le journal qui rappelle, dans ce contexte, que le Comité contre la torture de l’ONU condamnait le Maroc dans le dossier Asfari, en pointant une condamnation prononcée sur la base d’aveux extorqués sous la torture.

« Nouveau procès, civil cette fois, et nouvelle mascarade judiciaire.

Verdict: trente ans de prison pour Naâma Asfari et de lourdes peines pour ses camarades. Tous clament leur innocence. Dispersés dans sept prisons, ils sont soumis à des tortures physiques et psychologiques, à du harcèlement, à un isolement accru. Leur santé se dégrade », déplore « L’Humanité ».

Selon ce journal, les conversations téléphoniques de ces détenus « sont restreintes » et « les appels à leurs avocats, surveillés ».

« L’an dernier, le Groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU appelait le gouvernement marocain à +libérer immédiatement + ces détenus et renvoyait l’affaire à la Rapporteuse spéciale sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants », rappelle encore ce quotidien.

Décrivant le quotidien « monotone » des détenus et la discipline intellectuelle et physique à laquelle il s’astreint « pour tenir, continuer », Ennaâma Asfari qui a pu s’entretenir par téléphone avec « L’Humanité », affirme passer son temps à lire « beaucoup les stoïciens et les existentialistes ».

« J’aime Sartre et Camus. En ce moment, je suis plongé dans l’Etre et le Néant. J’y ai puisé l’idée selon laquelle l’existence est moins un problème à résoudre qu’une manière de vivre. J’ai choisi de vivre en homme libre.

Alors j’essaie de vivre cette expérience avec courage, patience et conscience », a-t-il déclaré depuis sa prison de Kenitra, affirmant que ses camarades, eux, supportent mal l’épreuve psychique de l’enfermement. « C’est dur. Chacun s’arrange comme il peut avec sa dépression », a-t-il ajouté.

Evoquant la séparation avec les siens, notamment avec son épouse Claude Mangin-Asfari, interdite de séjour au Maroc, Ennaâma Asfari affirme que « c’est une épreuve pour elle aussi. Mais ça l’a transformée, comme ça m’a transformé moi-même. Cela renforce notre conviction que nous sommes sur le bon chemin, dans un monde qui est loin de donner de la valeur à ce genre de lutte que nous menons et vivons, elle et moi. »

En 2018, cette enseignante, élue à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne), avait observé une grève de la faim de trente jours pour dénoncer cette violation de son droit de visite. Embarrassées, les autorités françaises avaient conclu avec Rabat un compromis qui lui avait permis de se rendre à Kenitra.

Mais depuis, plus rien.

Par ailleurs, les prisonniers politiques sahraouis sont coupés du monde extérieur, selon Ennaâma Asfari qui soutient qu’ils sont « peu informés » mais perçoivent « le désordre, le chaos qui règnent dans le monde ».

« Ce qui se passe maintenant à Ghaza montre que le chemin de la libération d’un peuple n’a rien de facile. Le prix à payer est lourd », a-t-il déclaré au journal français, affirmant, toutefois, que « malgré la répression dans les territoires occupés, l’exil, l’indifférence de la communauté internationale, nous devons continuer à lutter avec les moyens possibles pour sortir de ce statu quo qui dure maintenant depuis cinquante ans ».

 

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