Yennayer à Tizi-Ouzou: une fête pour accueillir le nouvel an amazigh dans le faste et l’opulence

Yennayer à Tizi-Ouzou: une fête pour accueillir le nouvel an amazigh dans le faste et l’opulence

TIZI OUZOU – « Adfren iverkanen, adkechmen imellalen » (s’eclipsent les jours noirs, arrivent les jours blancs), c’est avec ces paroles que les familles dans la wilaya de Tizi-Ouzou accueillent traditionnellement, dans le faste et l’opulence, le nouvel an amazigh, célébré le 12 janvier de chaque année.

Les préparatifs pour accueillir la nouvelle année 2973 du calendrier agraire, basé sur le cycle de la saison agricole utilisé jadis, et même aujourd’hui (pour certaines pratiques agricoles comme Yennayer, Amagar n’tefsut (28 février) et Lainsla (7 juillet), débutent généralement la veille, dans les villes et villages de la wilaya.

La célébration doit être marquée par le faste et l’opulence pour augurer une année prospère, soulignent plusieurs femmes rencontrées par l’APS dans la commune de Tadmait. « Imensi n’Yennayer » (dîner de Yennayer) comme on dit dans cette région, est un plat de couscous au poulet, idéalement un coq fermier et aux légumes secs, servi le 11 janvier au soir.

La famille doit être toute réunie pour partager, dans la joie, le repas et quand une personne est absente, on pose une cuillère pour symboliser sa présence. Jadis, on posait même une cuillère supplémentaire pour un éventuel « Iminig » (voyageur) qu’on invitera à partager le repas, se rappellent Ouardia, Aldjia et Djoher, de Sidi Ali Bounab.

Le blanc et la lumière et tout ce qui y renvoie, sont de mise dans les festivités célébrant l’avènement du nouvel an. C’est le cas pour le coq sacrifié à l’occasion qui symbolise la lumière, car célébrant par son chant matinal la levée du jour, soulignent encore les trois dames.

C’est ce qu’ont affirmé la chargée de l’information scientifique et technique au Centre de recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle (CRASC), Kheira Belbacha et le chercheur et historien au Centre national de recherche en langue et culture amazighes (CNRLCA), Farid Boukhelef.

Mme Belbacha, présente à Tizi-Ouzou dans le cadre des festivités célébrant le nouvel an amazigh, organisées par la direction locale de la culture et des arts, a souligné que pour le repas de Yennayer on privilégie les mets « blancs ». D’ailleurs le « Berkoukes » (plat de petits plombs en pâte) est cuit dans certaines régions à l’occasion, dans du lait, alors que les autres plats de pâtes traditionnelles comme la « Trida », doivent être servis avec une sauce blanche, ce jour-là et non avec une sauce rouge.

Farid Boukhelef qui a évoqué la célébration de Yennayer dans la région des Ath Jennad (englobant les communes d’Aghribs, Freha, Timizart, et Azeffoune), a relevé lui aussi que les ingrédients entrant dans la préparation du repas d’Imensi n’Yennayer sont appelé « Ichevhanen » (les blancs) qui sont des légumes secs, dont le haricot blanc, les pois chiches, les fèves, le blé et le haricot kabyle à œil noir (haricot cornille).

Les légumineuses sont aussi appelées « Oufthiyen » en kabyle un mot qui fait référence au fait qu’elles augmentent de volume à la cuisson, aussi leur utilisation pour la préparation du dîner de Yennayer répond au souci d’augurer une année abondante, notamment en production agricole, ont souligné les deux spécialistes.

Une abondance qui est aussi symbolisée par le fait que le soir de Yennayer, tout le monde mange à satiété et le plat où a été servi le repas ne doit pas être vide, et les couverts doivent être laissés sur place jusqu’au lendemain matin, selon les témoignages recueillis par l’APS auprès de vieilles dames rencontrées à la maison de la culture Mouloud Mammeri et à la placette de l’olivier ou se tient une exposition à l’occasion de la célébration du nouvel an amazigh 2973.

Le premier jour du nouvel an, soit le 12 janvier, les femmes se lèvent tôt et préparent pour le petit-déjeuner des spécialités traditionnelles à base de pâte qui lève ou qui s’étale, comme les beignets ou « Lemsmmen » (une pâte feuilletée étirée en forme carrée, dorée   sur un plat en terre cuite). « Une pâte qui gonfle ou qui s’étire facilement présage une année riche et généreuse », selon les croyances locales.

 

Une célébration qui résiste au temps

 

Yennayer est l’une des fêtes populaires anciennes ayant résisté au temps et qui a été maintenue grâce aux familles qui ont continué à fêter l’avènement du nouvel an amazigh même si certains aspects du rituel entourant cette célébration ont été délaissés, modernisation oblige.

Ainsi, n’habitant plus dans des maisons en pierres sèches, aux murs recouverts d’argile et peints à la chaux puis décorés à l’ocre, et où un « kanoun » (foyer) est creusé à même le sol en terre battue. Les femmes aujourd’hui, n’ont plus à repeindre les murs de la maison ni à changer le trépied du foyer, comme faisaient leur aïeules.

Aussi de moins en moins de familles attendent cette date pour effectuer la première coupe de cheveux au garçon né durant l’année qui se termine, comme cela se faisait jadis, ont déploré des citoyens rencontrés à Tizi-Ouzou.

Toutefois, la célébration de cette fête, qui est avant tout familiale, par les institutions publiques, le mouvement associatif et les comités de villages, a permis de faire revivre à travers des conférences ou des reconstitutions symboliques, les aspects rituels délaissés, tout en perpétuant l’esprit de partage et d’abondance que véhicule cette fête, ont déclaré des participants aux activités de célébration de Yennayer.

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