Abane Ramdane est né le 10 juin 1920 dans le village d’Azouza, commune de Larbaâ Nath Irathen. Révolutionnaire et militant politique, il fut surnommé l’architecte de la Révolution de libération. Pendant la Seconde Guerre mondiale, il fut enrôlé en tant que sergent dans une unité d’infanterie basée à Blida, en attente d’un déploiement en Italie. Par la suite, il rejoignit le Parti du peuple algérien (PPA) et devint secrétaire général de la municipalité mixte de Chelghoum Laïd, sous l’égide du PPA.
Marqué par les massacres du 8 mai 1945, auxquels il participa, il fut nommé en 1948 responsable du parti dans les régions de Sétif puis d’Oran. C’est à cette époque qu’il intégra l’Organisation spéciale (OS), la branche armée du PPA, afin de préparer l’insurrection contre la colonisation.
Après plusieurs actions menées au sein de l’OS, il fut traqué par la police coloniale. Arrêté en 1950 dans l’ouest algérien, il fut jugé en 1951 après plusieurs semaines de torture et condamné à six ans de prison, dix ans d’exil et dix ans de privation de droits civiques, assortis d’une amende de 500 000 francs pour atteinte à la sûreté de l’État. Il fut successivement incarcéré dans les prisons de Béjaïa, Barberousse et El Harrach, puis transféré en Alsace en 1952, sous une surveillance stricte. Lors de son incarcération, il entama une grève de la faim de 36 jours, qui faillit lui être fatale.
En tant que prisonnier politique, il fut transféré à Albi, dans le sud-ouest de la France, où les conditions carcérales étaient plus souples. Il en profita pour approfondir sa culture politique, notamment en s’informant sur la cause irlandaise et la résistance du peuple irlandais face à l’occupation britannique, établissant un parallèle avec le combat du peuple algérien.
Libéré en 1954, il revint en Algérie et fut incarcéré à El Harrach. Il participa activement à la préparation de l’insurrection du 1er Novembre 1954 et fut désigné comme l’un des douze dirigeants en charge du destin de la résistance algérienne contre l’occupant français.
Quelques jours après sa libération, le 18 janvier 1955, il fut contacté par les dirigeants de la Wilaya III alors qu’il était assigné à résidence dans son village natal, Azouza. Il parvint à s’échapper et se réfugia à Alger, où il fut chargé d’organiser un réseau militant. En avril 1955, il lança un appel à l’unification du peuple algérien et participa à l’officialisation du Front de libération nationale (FLN) comme représentant unique du combat algérien, affirmant que « la libération de l’Algérie est une mission collective » et que « le combat révolutionnaire ne prendra fin qu’avec l’indépendance ».
Un stratège de la Révolution
Il devint rapidement l’un des principaux cerveaux de la Révolution, coordonnant les actions sur l’ensemble du territoire algérien et établissant des contacts avec les dirigeants du FLN en Égypte, au Maroc, en Tunisie et en France. Il joua un rôle clé dans l’organisation interne et diplomatique de la lutte.
Le Congrès de la Soummam
Déterminé à structurer la lutte contre l’occupant, il milita pour l’unification des forces politiques algériennes sous la bannière du FLN, donnant ainsi une dimension nationale à la Révolution. Il fut mandaté par Youssef Ben Khedda pour créer le journal « El Moudjahid », organe officiel du FLN. Il participa également à la création de l’hymne national « Kassaman », en collaborant avec Moufdi Zakaria.
Il joua un rôle majeur dans l’organisation du Congrès de la Soummam, tenu le 20 août 1956, où furent posés les principes fondamentaux de la Révolution, notamment la primauté du politique sur le militaire et de l’intérieur sur l’extérieur. À l’issue du congrès, il fut nommé membre du Comité de coordination et d’exécution (CCE), l’organe dirigeant de la Révolution.
La bataille d’Alger et son exil au Maroc
Aux côtés de Larbi Ben M’hidi et Yacef Saâdi, il joua un rôle clé dans le lancement de la bataille d’Alger (1957). Il supervisa l’organisation militaire et la propagande révolutionnaire auprès de la population. Cependant, après l’arrestation et l’exécution de Larbi Ben M’hidi et la traque de Yacef Saâdi, il fut contraint de fuir vers le Maroc avec d’autres membres du CCE.
L’assassinat d’Abane Ramdane
Les décisions prises lors du Congrès de la Soummam firent l’objet de contestations, notamment par certains chefs militaires qui refusèrent la primauté du politique sur l’action militaire. Lors de la réunion du Caire en 1957, ces principes furent remis en cause, ce qui fragilisa la position d’Abane Ramdane au sein du FLN.
En décembre 1957, il fut attiré dans un piège au Maroc par certains de ses anciens compagnons d’armes, sous prétexte d’une réunion stratégique. Il fut alors arrêté, interrogé et exécuté sur ordre d’un groupe influent au sein du FLN, comprenant Boumediene Boussouf, Krim Belkacem et Abdelhafid Boussouf. Certains récits évoquent un assassinat par strangulation dans une villa à Tétouan. Son corps ne fut jamais retrouvé.
Héritage et reconnaissance
Abane Ramdane demeure l’une des figures les plus marquantes de la Révolution algérienne. Son rôle dans l’organisation et la structuration du FLN, ainsi que dans la définition des principes politiques de la lutte, a profondément marqué l’histoire de l’Algérie.
Son nom reste associé au Congrès de la Soummam, considéré comme un tournant majeur dans la lutte pour l’indépendance, et à son célèbre principe : « La primauté du politique sur le militaire ».
Aujourd’hui, malgré la controverse autour de son assassinat, Abane Ramdane est unanimement reconnu comme l’un des plus grands stratèges de la guerre de libération et un symbole de l’unité nationale algérienne.
Concernant la condamnation à mort d’Abane Ramdane, les chefs de la Révolution que j’ai rencontrés nient cette version. Tout ce qu’ils m’ont confirmé, c’est l’existence de contacts entre Abane et les Français. Cependant, Daho Ould Kablia (président de l’Association nationale des anciens du MALG – Ministère de l’Armement et des Liaisons générales pendant la Révolution) affirme que certaines mémoires contiennent des informations erronées qui portent atteinte à la mémoire de l’icône de la Révolution, Abane Ramdane.
Ould Kablia prétend être le seul à détenir des documents officiels et annonce qu’il est sur le point de publier un livre révélant de nombreuses vérités, qui, selon lui, rétabliront l’Histoire à partir de sources authentiques.
La vérité longtemps occultée avait déjà été exposée dans un livre publié en 1961, soit un an avant l’indépendance. Ce livre a été censuré et ajouté à la liste des ouvrages interdits dans certaines bibliothèques nationales arabes. Il s’agit de « Vérités sur le Front de libération nationale », écrit par Mohamed Lebjaoui, membre du Conseil national de la Révolution algérienne.
Dans cet ouvrage, trois versions de l’exécution d’Abane Ramdane sont rapportées, sur la base des témoignages de Krim Belkacem, Abdelhafid Boussouf et Ben Tobbal. De nombreux livres publiés par la suite sur Abane Ramdane s’inspirent de ces récits, mais sans citer la source originale.
La vérité que j’ai entendue personnellement de Ben Tobbal lors d’une conférence à Alger, dans la salle du « Cabaret », est qu’il possédait des documents et des enregistrements audio accablant Abane Ramdane. Il aurait même affirmé que ces bandes sonores étaient si nombreuses qu’elles pourraient former une ceinture autour du globe.
Certains enseignants ont supervisé la rédaction de ses mémoires, qui ont été soumises à la Société nationale d’édition et de distribution (SNED). Toutefois, cette dernière aurait exigé la suppression du chapitre consacré à Abane Ramdane. Depuis, ces mémoires ont disparu. Où sont-elles aujourd’hui ?
Abane Ramdane a été assassiné au Maroc, le 27 décembre 1957.
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