Si Tayeb Djoughlali, combattant intrépide et intellectuel à l’esprit ouvert

Si Tayeb Djoughlali, combattant intrépide et intellectuel à l’esprit ouvert

MEDEA – Le colonel martyr Si Tayeb Djoughlali, de son vrai nom Tayeb Bougasmi, incarnait, à la fois, le combattant intrépide et l’intellectuel à l’esprit ouvert, passionné de lecture et en quête perpétuel du savoir, a confié son fils unique, Mohamed.

« Si Tayeb a toujours accordé une grande importance à l’instruction et à l’éduction des enfants. Il m’incitait, dès mon enfance, à apprendre et à fréquenter les écoles coraniques, seul lieu de savoir accessible à l’époque aux Algériens, jugeant que c’était l’unique moyen de lutter contre la politique d’aliénation pratiquée par l’occupant », a indiqué Mohamed, à la veille de la commémoration de la mort au champ d’honneur de son père, un 29 juillet 1959.

Son combat pour la liberté, Si Tayeb Djoughlali l’avait commencé au sein du mouvement national, quand il a consacré plusieurs années à apprendre à lire et à écrire aux enfants issus des villages d’El-Omaria, à l’est de Médéa, sa région natale, Benchicao et Sidi-Naamane.

Né en 1916 à Ouled Torki, dans l’ex-commune de « Champlin », l’actuelle El-Omaria, il aimait beaucoup lire au point d’avoir constitué sa propre bibliothèque qui renfermait des dizaines d’ouvrages traitant de différents sujets, incendiée par l’armée coloniale après le déclenchement de la révolution, poursuit Mohamed qui évoque également la destruction, à deux reprises, en 1956 et 1957, du « gourbi » qui abritait la famille de Si Tayeb, pour le punir et le pousser à se rendre à l’ennemi.

Les représailles de l’occupant ne s’arrêtent pas à ce stade. La parcelle de terre de sa famille fut spoliée, ses animaux domestiques et récoltes brulés. Le fils Mohamed, âgé alors à peine de six ans, se retrouve seul avec sa mère et sa petite sœur de quelques semaines. L’acharnement contre la famille va se poursuivre et atteindre son paroxysme, note avec amertume Mohamed Bougasmi, qui assiste à l’arrestation de sa mère, internée, par la suite, dans un centre à Tablat, nord-est de Médéa. Sa petite sœur Saadia meurt peu de temps après, faute d’allaitement, et fût ainsi le premier martyr de la famille du colonel Si Tayeb. A la fin de la Révolution, la famille des Bougasmi comptera quinze martyrs.

 

Parcours d’un guerrier intrépide et téméraire

 

Opposant acharné à la présence coloniale, Si Tayeb défie les autorités militaires en refusant son incorporation forcée dans les troupes coloniales qui allaient être envoyées sur le front européen durant la seconde Guerre mondiale, et rentre dans une semi clandestinité pour éviter l’enrôlement, considérant que « la cause défendue n’était pas la sienne et que la libération du pays était prioritaire », affirme son fils.

« A l’occasion des élections de l’assemblée algérienne de 1948, Si Tayeb a mené  plusieurs actes de sabotage pour perturber le déroulement de ce scrutin et montrer, ainsi, sa détermination à faire avorter cette tentative de mettre au pas la population algérienne », fait-il observer.

Activement recherché par les autorités coloniales, Si Tayeb vit dans la clandestinité dans les maquis d’El-Omaria durant près de quatre années, se déplaçant d’un refuge à un autre, jusqu’à son arrestation, en 1952. Après avoir purgé une peine de prison, il est relâché, puis réincarcéré à nouveau l’année d’après, rapporte son fils.

En prélude au déclenchement de la Guerre de libération, ses contacts avec les martyrs Souidani Boudjemaa et Mourad Didouche vont se multiplier et devenir réguliers, selon Mohamed Bougasmi qui évoque le rôle joué par un certain Zoubir, établi à Berrouaghia, commune voisine, en tant qu’agent de liaison entre les deux chefs venus d’Alger, et Si Tayeb, et sa participation dans les préparatifs de l’insurrection armée dans la future zone II (2) de la wilaya IV historique.

Militant au sein du mouvement national, dès 1937, il était responsable de l’organisation des cellules politiques locales, puis chargé, peu avant le déclenchement de la Révolution, de la collecte de fonds et d’armes, du recrutement de jeunes combattants et de l’encadrement de la population.

Avec l’aide d’anciens militants infatigables de la cause nationale, parmi eux Si Benyoucef Kritli et Rachid Ben Sid-Oumou, Si Tayeb a commencé à organiser les maquis de la région, en perspective des missions à venir, selon le récit de son fils. S’appuyant sur le témoignage d’anciens moudjahidine et compagnons du Chahid, Mohamed Bougasmi rapporte que des éléments du Parti du Peuple algérien (PPA-MTLD) et d’anciens membres de l’Organisation secrète (OS) vont constituer le noyau dur en charge de mener des opérations militaires à partir des maquis d’El-Omaria, Tablat, El-Aissaouia.

D’après des archives locales, Si Tayeb charge le chahid Rabah Saoudi, dit « Eldjebass », de la délicate mission de recrutement et parvient à attirer de nouvelles recrues et étoffer, ainsi, les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN). De jeunes recrues étaient envoyées, à partir de février 1956, dans les camps d’entrainement installés dans les maquis de « Zbarbar » (Bouira) et, une fois leur stage terminé, ils intègrent les unités affectées au Djebel Zeccar, Mouzaia, l’Ouarsenis et dans d’autres zones de combat, est-il mentionné dans ces archives.

Il y est fait état, en outre, de l’apparition d’un autre groupes à Tablat, sous la conduite du commandant Si-Lakhdar (Rabah Mokrani), tombé au champ d’honneur le 5 mai 1958 à Djebel Boulegroune, commune de Djouab, à l’est de Médéa, puis un autre à Berrouaghia, dirigé par le chahid Ibrahim El-Aid, alors qu’un troisième groupe opère, à partir de 1956, dans la commune de Ain-Boucif, sous la direction du chahid Mohamed El-Kerarchi.

Si Tayeb a passé trois années au commandement de la zone 2 de la wilaya 4 historique, durant lesquelles ses troupes infligèrent de lourdes pertes à l’occupant.

 Après la mort au champ d’honneur du colonel Si El Houès, commandant de la wilaya 6 historique, en mars 1959, Si Tayeb avait été promu au grade de colonel pour lui succéder, et devenir le nouveau commandant de cette même wilaya historique.  

Alors qu’il se dirigeait vers la wilaya 6 historique pour prendre son nouveau poste, le groupe de combattants qu’il conduisait se retrouve face aux forces coloniales, à Djebel Ghaigaa, près de la commune de Had S’hari (Djelfa). Si Tayeb El-Djoughlali et quatorze de ces compagnons d’arme trouvent la mort lors de cet accrochage, venu mettre un terme, le 29 juillet 1959, à un parcours jalonné de sacrifices et de succès militaires qui resteront gravés dans la mémoire collective.

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