Sétif : le comédien Lamri Kaouane, le semeur de bonne humeur

SETIF- Bavarder des choses de la vie, de la pluie et du beau temps ou de n’importe quel sujet avec une personne aussi loquace et communicative que Lamri Kaouane, comédien de son état, est un vrai plaisir. Mais l’écouter disserter autour de tout ce qui touche à l’art, en particulier le théâtre et le cinéma, procure un pur bonheur.

Le regard de cet homme aux faux airs de Mohamed Touri se met à étinceler lorsqu’il évoque les planches. Comédien jusqu’au bout des yeux, Lamri Kaouane, sétifien bon teint, la cinquantaine alerte, se dit conscient de la chance rare qu’il possède : exercer le métier pour lequel il est taillé. Un métier qu’il  »habite » et qu’il respire avec délectation.

Le Kaouane de tous les jours, abordé au coin d’une rue de Sétif ou dans un café de la ville, n’est pas si différent du Kaouane sur scène ou devant les caméras : verveux en diable, gesticulateur, généreux en mimiques et en sourires… L’homme est spontané, pétillant, charismatique et captivant.

Son rôle de  »chef de tribu », dans  »Douar Salihine », une sitcom réalisée par Mehdi Sofiane Tsabbast, diffusée par la télévision nationale et très suivie lors du dernier mois de Ramadhan, a contribué, de l’avis unanime, à asseoir la réputation de Lamri Kaouane en tant qu’acteur comique de premier plan.

Lamri Kaouane venait à peine de sortir de l’adolescence lorsque le théâtre lui mit le grappin dessus. Pour ne plus le lâcher.  »J’avais tellement de choses à dire, à extérioriser, les planches ont fini par constituer, pour moi, un exutoire. Cela me convenait très bien, au-delà des mes espérances », confie-t-il.

L’attrait brusque mais irrésistible pour le quatrième art conduira Kaouane à fonder, avec une poignée de copains, la troupe  »El Afaq » qui se distingua, à la fin des années soixante-dix, par quelques pièces écrites collectivement, sans grandes ambitions, certes, mais qui ont permis l’émergence du talent d’acteur de Lamri.

Ce n’est qu’au milieu des années quatre-vingt que Kaouane fera des rencontres déterminantes pour son avenir de comédien. Grâce, en effet, à des stages de recyclage à Mostaganem, alors terre promise du théâtre amateur en Algérie, Lamri tirera grand profit de l’expérience et des conseils de Djamel Saber et des regrettés Abderrahmane Kaki et – surtout Abdelkader Alloula.

« Des gens uniques, de vrais monuments qui m’ont irrémédiablement cloué sur les planches », avoue-t-il, le ton grave mais avec ce sourire espiègle continuellement rivé au coin des lèvres.

L’émergence du mouvement associatif dans les années quatre-vingt-dix, favorisera la naissance, sous la houlette de Lamri Kaouane et de Mourad Bencheikh (une autre figure bien connue du théâtre à Sétif), de l’association Ech-Chiheb.

Ce sera l’époque d’une production théâtrale féconde et de très grande qualité: Mouftaraq Ettourouq (la croisée des chemins), Es-Saratane (le cancer) et Ettahadi (le défi), entre autres, connaîtront un succès retentissant et contribueront à faire apprécier, aux quatre coins du pays, l’imagination et la vitalité du théâtre sétifien. Ce seront précisément ces pièces, interprétées par trois, voire deux acteurs sur scène, qui mettront au jour la prédilection de Kaouane pour le monologue.

Un genre théâtral difficile, s’il en est, mais taillé sur mesure pour Lamri dont l’éloquence, la spontanéité et la gestuelle trouvent matière à subjuguer.

C’est en effet dans le  »One man show » que Lamri Kaouane trouvera ses vrais repères et se fera connaître du grand public, aussi bien dans son pays qu’à l’international.L’entreprise paraissait pourtant périlleuse, s’agissant d’un genre encore balbutiant en Algérie.

Pari risqué mais payant puisque le doux parfum de la consécration commença à se faire sentir, si bien qu’en 2002, à l’issue des journées du monologue et du One man show organisées à Constantine, Kaouane fut choisi pour représenter l’Algérie en Espagne, au Festival international de l’oralité.

C’est l’époque de  »Djinn ou balaâtouh » (Le diable dupé), premier grand succès de Lamri. Un one man show caustique écrit par Youcef Taâouinit et racontant les déconvenues d’un  »dégourdi » pas si futé que cela.

Alicante, Barcelone, Elche et Toulouse constitueront pour Kaouane des étapes marquantes qui l’encourageront à interpréter avec un franc succès  »Rodjla 100% » du même Youcef Taâouinit, ensuite  »Takh Chlakh », une libre adaptation d’une oeuvre d’Arthur Miller, puis  »Chkoun gal Saci ma yakhdemche » et  »Kayen ou Kayen ».

Le comédien tient cependant à préciser que si le  »One Man show » lui a procuré les  »plus fortes sensations », il n’a jamais constitué un  »carcan ».                                                                 

Même s’il n’a jamais lâché le  »One man show », Lamri Kaouane, désormais connu et reconnu, prospecte d’autres horizons et répond aux sollicitations de la télévision algérienne, de plus en plus nombreuses, et de plusieurs producteurs de cinéma, ce qui assoit davantage sa notoriété naissante.              

C’est ainsi qu’en 2015, il obtient pour la première fois de sa vie un premier rôle dans une série télévisée.  »Dalty » (A mon tour), réalisé par Nassim Boumaïza, constitue une nouvelle expérience et un nouveau départ pour Lamri Kaouane qui enchaîne avec, entre autres,  »Zouina oua el kenna » du syrien El Hani El Kourd et  »Yema bentek rahi hasla » du tunisien Bilal Bali.

Durant cette même période, le 7ème art ouvre également les bras à cet acteur sympathique et truculent puisqu’il fait partie du casting de  »Timgad », une comédie Franco-Belgo-Algérienne où il interprète de rôle de l’imam, aux côtés de Sid-Ahmed Agoumi, et de  »Certifié Halal » de Mahmoud Zemmouri, avec, notamment, Smaine Fayrouze et Hafsia Herzi.

La générosité et le don de soi sont les autres singularités de Lamri Kaouane. Le comédien, entièrement voué à son art, aime également partager et faire profiter les jeunes de son vécu et de son expérience.

 Il dirige depuis plusieurs années à Sétif des sessions de formation théâtrale qui ont permis l’émergence de nombreux jeunes talents à l’image de Mariam Amiar (très remarquée dans le rôle de Meriem dans  »Douar salihine »), et de Amira Hilda Douaouda, qui eut le privilège de gravir, en mai 2019, les marches et le tapis rouge du Festival de Cannes pour avoir été l’une des actrices principales de  »Papicha », un long-métrage nominé à cet évènement planétaire.

Kaouane évoque sans forfanterie mais avec une fierté non dissimulée la consécration de cette comédienne qu’il a couvée.Attendant avec autant d’espoir que d’impatience l’amélioration de la situation sanitaire et la fin du confinement partiel imposé par la pandémie du Covid-19, Lamri Kaouane ne manque ni d’ambitions ni de projets pour l’avenir.

Il évoque dans ce cadre la suite du film  »Yema » et quatre  »One man shows » dont il vient de terminer l’écriture et qu’il destine à de jeunes comédiens.Trépignant dans les starting-blocks, Kaouane est prêt à bondir pour de nouvelles aventures et promet de  »belles surprises » à ses admirateurs, aujourd’hui de plus en plus nombreux.

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