Quatorze (14) chouhada parmi les plus valeureux enfants du Hodna torturés et enterrés dans une fosse commune

M’SILA – Le 3 novembre 1979, des procès-verbaux de la Gendarmerie nationale font état de l’identification par leurs proches des restes de 14 chouhada découverts dans une fosse commune près du barrage de Ksob de la capitale du Hodna (M’sila).

Ils avaient été interpellés et exécutés entre fin juin et début juillet 1958 par ce qui était appelé « Détachement opérationnel de protection » (DOP).

Selon des documents historiques, les DOP sont des unités de l’armée de l’occupation française, créées en 1957, avec pour mission de détruire l’organisation politico-administrative du Front de libération nationale.

Les documents soulignent que le DOP est une formation militaire « nazie de par ses pratiques » qui kidnappait, torturait, exécutait et jetait dans des endroits reculés les cadavres des chouhada d’Algérie sans laisser aucune trace écrite à l’instar de PV d’interrogatoire ou autres.

Les personnes enlevées par le DOP, qualifiée d’organisation « semi secrète » par Raphaëlle Branche, auteur de « La torture et l’armée pendant la guerre d’Algérie. 1954-1962 », étaient des militants, des intellectuels et des notables de la ville de M’sila.

Parmi eux, un commissaire politique, un enseignant, un chargé de la collecte des cotisations pour le FLN, et un notable qui a financé l’ouverture de la première école libre  »Erradja » relevant de l’association des oulémas musulmans algériens.

Il s’agit de Mechta Saïd, Benyahia Abdelaziz, Benyounès El Hachemi, Mohamedi Hocine, Chadi H’mida, Bendib Belkacem, Feloucia Mohamed, Brahimi Mohamed-Tahar, Lakhdar Hamina Lakhdar, Hammani Madani, Ledghem Chikouche Belkacem, Benyounès Aïssa, Benmanallah Baadji et Hadj Hafsi El Messaoud.

Dans ce contexte, Pr Kamel Birem, enseignant d’Histoire à l’Université de M’sila précise, en se référant à des témoignages de moudjahidine, qu’au début de juillet 1958 et suite à une délation et à la découverte chez un « Moussabel » d’une liste nominative de militants politiques de M’sila, 107 personnes ont été arrêtées.

Répartis en quatre groupes, certains ont été dirigés vers le centre d’internement Bensocha d’El Djorf (près d’Ouled Derradj actuellement), et d’autres vers le centre de Medjana et la caserne de Boudiâ (par référence aux propriétaires terriens de la capitale du Hodna) puis vers Ksar Ettir à Sétif, souligne le Professeur Birem.

Toutefois, précise-t-il, la destination de 14 chouhada était restée méconnue jusqu’à la découverte de leurs cadavres en 1979 près du barrage de Ksob dans la commune de M’sila.

A ce titre, Sassi, fils du chahid Benyahia Abdelaziz, raconte que dans la nuit du 1er juillet 1958 vers 2h00 du matin, des forces de l’armée française ont investi la maison familiale et les avaient enlevés lui et son père, mais étant encore enfant ils l’avaient relâché.

Et d’ajouter: « Mon père a sorti une somme d’argent de sa poche et m’a demandé de remettre 30.000 francs à un militant de Boussaâda qui me contactera et de garder le reste, mais aussi de préserver la boulangerie, car son départ était définitif ».

Sassi poursuit en affirmant que le défunt moudjahid Belagoune H’mida lui a raconté que son père, Feloucia et Brahimi, suppliaient les autres interpellés de leur coller toutes les accusations pour épargner leur vie, mais tous avaient refusé car convaincus que les éléments du Détachement opérationnel de protection allaient tous les exécuter pour dissimuler leur barbarie.

 

Les pires tortures pendant plus de deux semaines

 

Selon la même source qui cite le moudjahid Belagoune, relâché avant le transfert des 14 chouhada vers une destination inconnue, ces martyrs ont subi pendant plus de deux semaines les pires tortures et se conseillaient les uns aux autres de placer des allumettes entre les dents pendant la torture à la gégène pour éviter de se mordre la langue.

Sassi Benyahia ajoute que son père lui avait adressé une lettre par le biais d’un lieutenant de la garde mobile française disant qu’il allait être jugé à Sétif le 13 juillet 1958, relevant qu’il lui avait alors envoyé une alise avec des vêtements croyant que son séjour en prison allait se prolonger.

Ce fut le dernier contact que Sassi a eu avec son père, assurant que celui-ci n’a jamais été jugé à Sétif mais a été jeté par hélicoptère à l’endroit où les 14 cadavres des chouhada ont été découverts près du barrage de Ksob.

Pour lui, il n’y a point de doute que leurs bourreaux, après les interrogatoires subis au centre de torture d’Ouled Bedira près de la ville de M’sila, s’en étaient débarrassés sur le chemin du retour vers Sétif, où se trouvait le siège du Détachement opérationnel de protection (DOP).

Activant en dehors du cadre légal et administratif du système d’occupation lui-même, le DOP tenait des centres temporaires et secrets pour les tortures et les interrogatoires, et exécutait pratiquement d’une manière systématique les Algériens interpellés ou enlevés, ce qui explique l’absence de tout document concernant l’arrestation de ces 14 chouhada de la ville de M’sila, et de toute trace de procès-verbaux d’accusations ou d’interrogatoires.

 

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