Portrait d’un éminent savant, intellectuel et historien algérien… Qui est le grand érudit Mohamed Abu Ras Al-Nasiri ?

Portrait d’un éminent savant, intellectuel et historien algérien… Qui est le grand érudit Mohamed Abu Ras Al-Nasiri ? - Algérie

L’Algérie a donné naissance à de nombreuses générations de savants dans divers domaines. Certains sont largement connus, comme l’illustre cheikh Ibn Badis dans le domaine religieux ou Abou El Kacem Saadallah dans l’histoire. D’autres, en revanche, restent célèbres uniquement auprès des spécialistes, à l’image du cheikh Abu Ras Al-Nasiri, une figure majeure de l’histoire politique, militaire, culturelle, économique et sociale de l’Algérie à l’époque ottomane.

Qui était le grand érudit algérien Abu Ras Al-Nasiri Al-Maskari ?

Abu Ras Al-Nasiri figure parmi les plus grands savants, intellectuels et historiens de l’Algérie. Il est également considéré comme l’un des auteurs les plus prolifiques de la science islamique après Jalal Al-Din Al-Suyuti.

Son nom complet est Al-Hafiz Mohammed Abu Ras Al-Jarbi Al-Nasiri Al-Maskari Al-Hudhali Al-Jazaïri. Né le 8 Safar 1165 H (27 décembre 1751) dans les environs de Mascara, en Algérie, il est décédé le 15 Chaaban 1238 H (27 avril 1823) et repose dans la ville de Mascara.

Abu Ras Al-Nasiri a participé activement au djihad pour la libération d’Oran en 1206 H (1795) aux côtés du Bey Mohammed Ben Othmane. Il a laissé un héritage considérable dans les sciences du hadith, du Coran et de la généalogie, avec de nombreux ouvrages dans ces disciplines. Il est considéré comme la deuxième plus grande figure de Mascara après l’émir Abdelkader, ce qui explique pourquoi plusieurs institutions académiques et culturelles portent son nom.

Une famille ancrée dans le savoir et la spiritualité

Sa mère, Zoula, était reconnue pour sa piété et sa sagesse, souvent comparée à la célèbre mystique Rabi’a Al-Adawiyya. Son père était un maître récitant du Coran et un enseignant renommé, tandis que son grand-père était décrit comme un homme d’une sainteté et d’un savoir exceptionnels. Dans cette lignée spirituelle et intellectuelle, sa sœur Halima ainsi que ses frères Ben Omar et Abdelkader ont également suivi cette voie.

Un parcours académique exceptionnel

Abu Ras a commencé son apprentissage sous la direction de son père, qui lui a enseigné la majeure partie du Coran. Il a ensuite perfectionné sa récitation auprès du cheikh Mansour Al-Darir. Il a étudié à Mascara auprès de plusieurs érudits, notamment :

  • Mohammed Ben Moulay Ben Sahnoun, cadi de Mascara.
  • Cheikh Ali Ben Chenine.
  • Cheikh Abdelkader Al-Machrafi, auteur du livre Bahjat Al-Nazir.
  • Cheikh Murtada Al-Zabidi, auteur de Taj Al-Arus, qui lui a décerné le titre d’Al-Hafiz (le mémorisateur).
  • Cheikh Abdelrahman Al-Tadili, savant marocain.
  • Cheikh Ahmed Ben Abdallah Al-Soussi, savant tunisien.
  • Cheikh Ahmed Ben Ammar Al-Jazairi, auteur du célèbre ouvrage Ar-Rihla et l’un des érudits et poètes d’Alger.

Il a également poursuivi son apprentissage dans la ville de Mazouna, où il a approfondi ses connaissances en droit islamique et dans l’étude du Mukhtasar Khalil.

Un réformateur et enseignant influent

Abu Ras Al-Nasiri a fondé une école au centre de Mascara, connue sous le nom de Madrasa Al-Mohammedia, également appelée Bibliothèque des quatre écoles de jurisprudence. Ce nom témoigne de son approche intellectuelle ouverte et de son refus du sectarisme religieux dominant à l’époque. Il enseignait et délivrait des fatwas selon les quatre écoles sunnites reconnues, attirant des centaines d’étudiants.

Un savant voyageur

Abu Ras Al-Nasiri a multiplié les voyages, suivant la tradition des grands érudits. Selon Samira Ansaad, « Il ne s’est pas contenté de parcourir l’ouest algérien, mais a également voyagé à Alger, Constantine, Tunis, l’Égypte, le Hijaz, la Syrie et la Palestine. Il entama son périple vers l’Orient en 1204 H. »

Son savoir lui valut le titre de Cheikh Al-Islam en Égypte, où il devint une figure éminente après avoir impressionné les érudits locaux. Selon Dr. Abdelhaq Zarioukh, « Il traversa la mer pour rejoindre l’Égypte, où il rencontra des érudits et des littéraires tels que cheikh Murtada, qui lui transmit des enseignements sur Sahih Al-Bukhari et Muslim, Rissalat Al-Qushayriyya en soufisme et Mukhtasar Al-Kanz Al-Raqi. »

À La Mecque, il côtoya de nombreux savants et juristes, notamment l’éminent Abd Al-Malik Al-Hanafi, mufti de Damas.

Un maître de générations entières

Abu Ras Al-Nasiri forma des centaines d’étudiants, dont certains devinrent des figures majeures, parmi eux :

  • Mohammed Ben Ali Al-Sanoussi, fondateur de la confrérie Sanousiyya.
  • L’émir Abdelkader, qui fut l’un de ses jeunes disciples.

Un auteur prolifique mais méconnu

Abu Ras se vantait de n’être surpassé en nombre d’ouvrages que par Jalal Al-Din Al-Suyuti. Il déclara lui-même :
« Je ne connais personne ayant écrit plus que moi après lui. La perfection appartient à Dieu. »

Il a laissé environ 140 ouvrages, couvrant divers domaines tels que l’histoire, le hadith et la jurisprudence. Parmi ses œuvres les plus importantes :

  • « Al-Hilal As-Sindusiya fima Jara bil-‘Adwa Al-Andalusiyya » (Les broderies andalouses sur les événements de l’Andalousie).
  • « Gharib Al-Akhbar ‘amma Kana fi Wahran wal-Andalus ma’a Al-Kuffar » (Les nouvelles étonnantes sur les événements de l’Andalousie et d’Oran avec les infidèles).

Cependant, plus de 130 de ses manuscrits restent inédits, dispersés dans des bibliothèques privées et des confréries soufies. À ce jour, seuls six de ses ouvrages ont été publiés, malgré leur importance historique et scientifique.

Un héritage inestimable

Après plus de 70 ans d’une vie dédiée au savoir et au combat, Abu Ras Al-Nasiri s’éteignit en 1823 et fut inhumé au cœur de Mascara, dans le quartier de Baba Ali.

Son immense érudition, sa contribution au savoir islamique et sa quête de transmission font de lui l’un des plus grands penseurs de l’histoire algérienne. Pourtant, son œuvre reste largement méconnue et sous-exploitée, en attente d’une redécouverte à la hauteur de son génie.

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