ALGER – Le parcours du défunt artiste Mohamed Zinet a marqué une étape brillante de l’histoire du cinéma algérien, étroitement liée aux principes de la liberté et de la lutte, en portant haut la cause nationale et en permettant l’émergence de son nom comme acteur et assistant réalisateur, et surtout en tant que réalisateur du film « Tahia Ya Didou » qui continue de susciter l’intérêt et la curiosité des amateurs du septième art.
En évoquant le parcours de feu Mohamed Zinet à l’occasion du 28e anniversaire de sa mort, émerge une génération d’artistes qui ont rejoint la Révolution de libération nationale et se sont engagés en faveur de l’indépendance de l’Algérie, en rejoignant plus tard la troupe artistique du Front de libération nationale (FLN).
Connu pour sa personnalité de vétéran et d’aventurier et sa sensibilité artistique, les connaisseurs et les admirateurs de Mohamed Zinet le décrivent comme « le Pigeon voyageur », selon les dires de l’acteur Abdelhamid Rabia, qui affirme que le défunt a découvert sa passion pour l’art dès sa tendre enfance.
Né en 1932 dans la Casbah d’Alger, où il a suivi son enseignement primaire, le défunt artiste s’est très tôt intéressé au théâtre et commença à activer au sein du Parti du peuple algérien (PPA), où il a fondé la troupe (El Manar El Djazairi). A Paris, il a présenté une pièce théâtrale inspirée du « Bourgeois gentilhomme » de Molière (1947), avant de rejoindre une autre troupe sous la bannière des Scouts musulmans algériens (SMA).
Son intérêt pour le cinéma mondial s’est accru grâce aux films projetés à l’époque, dont le film « Pépé le Moko » de Julien Duvivier qui lui a laissé une impression opposée à la vision coloniale envers le peuple algérien. Au milieu de ce mouvement culturel et nationaliste, feu Mohamed Zinet a rejoint le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), où sa carrière artistique décolla à travers l’interprétation de nombreux personnages théâtraux, et sa conviction de l’importance de la lutte politique et armée s’est affermie.
La comédie théâtrale « Tibelkachoutine », « l’homme aux brindilles » en berbère, créée en 1953 témoigne de sa grande admiration pour Charlie Chaplin et le cinéma muet. Une pièce présentée en Tunisie, qu’il envisageait d’adapter pour le cinéma mais le film ne verra jamais le jour.
En 1958, il rejoint les rangs de la Révolution en tant qu’officier de l’ALN.
Le transfert urgent de Zinet en Tunisie, grièvement blessé lors d’une mission, donna un autre tournant à sa vie en ce sens qu’il avait rejoint le mois d’avril de la même année la troupe artistique du Front de libération nationale (FLN).
Parmi les rôles qu’il a interprétés celui de Lakhdar, héros de la Révolution, dans « Le cadavre encerclé » de Kateb Yacine.
Les choix artistiques de Mohamed Zinet témoignent d’un esprit ambitieux et perfectionniste en tant que réalisateur et comédien.
En 1959, il se rend à Munich pour suivre une formation dans le théâtre naturel, « Kammerspiele ».
Dans ses allers-retours entre Paris et Alger, il a eu une contribution avec le réalisateur français Jean-Marie Serreau dans la pièce théâtrale « les bonnes » en France, avant de concourir à la création de « Casbah films » en Algérie avec les moudjahidine Yacef Saadi et Habib Réda.
En 1965, Zinet est recruté à l’Office national pour le commerce et l’industrie cinématographique (ONCIC) et est l’assistant du réalisateur Amar Laskri.
En tant que réalisateur assistant, Mohamed Zinet a secondé Ennio Lorenzini dans « les mains libres » en 1964 et Gillo Pontecorvo dans le légendaire « la bataille d’Alger » (1966).
Il a également collaboré en tant que comédien avec la réalisatrice Sarah Maldoror dans son court-métrage « monangambé », deux fois avec René Vautier dans « les trois cousins » et Daniel Moosmann (le bougnoul) sorti en 1975.
A propos de son film « le bougnoul », Mohamed Zinet a déclaré, lors d’une interview avec l’institut français de l’audiovisuel, qu’il avait aimé le personnage qui lui ressemble un peu.
Concernant le racisme contre les immigrés, le comédien a dit « j’accueille les commentaires racistes avec un sourire car je suis fier d’être algérien, mais en même temps ça me fait mal de voir les autres subir le racisme ».
« Tahya Ya Dido », le journal intime du cinéaste
Réalisé en 1971, Tahya ya dido est le seul long-métrage de Mohamed Zinet dans lequel il a donné sa vision de l’Algérie indépendante avec réalisme et poétisme à la fois.
Cette double touche, entre la réalité et l’utopie, est justement le fruit du background artistique de Zinet qui était fan de Charlie Chaplin et de l’expérience artistique franco-allemande, aiguillonné par ses moult déplacements et voyages, source de grandes idées et ambitions.
Tombé sous son charme, Zinet relate dans ce film la Casbah et Alger la blanche, perle de la Méditerranée qui attire les curieux pour contempler et ressentir les changements survenus suite à son indépendance. Il a donc ouvert la voie à son ami, le poète Himoud Brahimi plus connu sous le nom de Momo, pour parler à la ville dans un dialogue poétique que les différentes générations connaissent par cœur.
Le producteur a eu recours aux composantes culturelles algériennes, pour ne citer que la fantasia et le hayek, représentées à travers les aspects de la vie de tous les jours dans les ruelles de la Casbah, une véritable rétrospective, tantôt cinématographique tantôt romanesque, du quotidien des Algériens.
« Tahia Ya Didou » n’est autre qu’un film dont le scénario s’apparente à un album souvenirs de Zinet, ayant joué le rôle d’un Moudjahid qui vit un présent hanté par les douleurs du passé, lanciné par les voix et les réminiscences qui refont surface, faisant ressurgir des parties de son parcours révolutionnaire et militantiste dans les rangs de l’Armée de libération nationale (ALN) et la Troupe artistique du Front de libération nationale (FLN), levant ainsi le voile sur les crimes du colonisateur à travers les scènes qui ressassent la torture des militants.
Doté d’une intelligence artistique sans pareil, Zinet a su convertir l’idée de réaliser un court film promotionnel sur le tourisme en Algérie en un long-métrage de différents rôles entremêlés avec le grand public dans les rues pour former une mosaïque multicolores.
» Boualem Sansal, le pantin du révisionnisme anti-algérien «