Ligne Morice-Challe : les terrains minés de Nâama

Ligne Morice-Challe : les terrains minés de Nâama - Algérie
Ligne Morice-Challe : les terrains minés de Nâama

NAAMA – Les populations nomades et celles des zones frontalières de la wilaya de Nâama ont longtemps souffert des conséquences désastreuses des mines et autres engins explosifs, posés par l’armée française le long de la sinistre ligne Morice-Challe, dans le but d’isoler la Révolution algérienne et d’empêcher l’acheminement des armes.

Des localités comme Nâama, Mekmene Benâmar,Tiout, Djenine Bourezgue et Aïn Sefra ont vu une partie de leurs territoires qui sont de vastes surfaces de pacage et de la bande frontalière occidentale, devenir des zones interdites des années après le recouvrement de l’Indépendance nationale.

L’intervention des éléments du génie de l’Armée nationale populaire (ANP) a permis de déminer toutes ces régions et d’enrayer à jamais le danger que représentaient ces engins de la mort. La vie a repris ses droits dans ces zones, auparavant synonymes de mort, de mutilations et de profondes blessures indélébiles.

La direction locale des Moudjahidine indique qu’ils sont quelque 170 personnes, victimes des mines antipersonnel, à bénéficier d’aides sous forme d’une pension mensuelle et d’une assistance médicale et sociale comme la gratuité de l’appareillage et les membres artificiels, celle des soins kinésithérapeutes et autres.


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Des études ont montré que durant la Guerre de libération nationale, l’armée française a posé le long des frontières Ouest et Est ainsi que dans diverses régions du pays quelque 13 millions de mines antipersonnel et collective. L’opération de déminage d’une seule mine reviendrait à 1.000

USD. Une lourde facture que supporte le budget de l’Etat, en plus de toutes les prestations médicales et sociales assurées gratuitement aux victimes.

 

Séquelles et mutilation…cauchemar des victimes

 

Les nombreuses victimes gardent les séquences des blessures et des mutilations. Elles tentent d’effacer des cauchemars à jamais enfouis dans leur mémoire.

C’est le cas de Ferradji, agé de 57 ans et originaire de Founassa, dans la commune de Djenien Bourezgue. « Au milieu des années 1980, une mine a explosé alors que j’aidais mon grand-père à garder son troupeau. J’ai perdu une jambe et j’ai bénéficié d’un membre inférieur artificiel « , raconte-t-il.

Les victimes sont nombreuses. Des hommes, des femmes, des enfants ont perdu la vie. D’autres ont échappé à la mort mais demeurent durant toute leur vie atrophiées et définitivement marquées dans leur corps et dans leur âme, par ces engins maléfiques.

Ahmed Merbouaa, 68 ans, relate comment il avait perdu, à l’âge de 11 ans, les deux bras et la vue. « J’étais entrain de ramasser du bois, au flanc du mont Lengar, dans la commune de Tiout, lorsque j’ai marché sur une mine antipersonnel. Elle a explosé. J’ai perdu mes deux bras et suis devenu aveugle », raconte-t-il.

De son côté, une autre victime, Boudaouia, 61 ans, originaire de la région de Masseif, près de Nâama, raconte : « l’explosion de la mine m’a rendu handicapé. Elle m’a également causé de gros dégâts psychologiques ainsi qu’aux membres de ma famille. Je suis dans l’incapacité physique de travailler et je ne peux plus marcher. Je vis un double drame : personnel et familial », se plaint-il.

Sur les causes de ces drames, il dira que les victimes sont pour la plupart des bergers, des chasseurs ou des personnes parties à la recherche du Terfass, cette truffe du désert que l’on propose au fort prix sur les marchés locaux ou dans les grandes villes du nord du pays.

« Une seconde d’inattention, d’imprudence et c’est le drame », ajoute-t-il pour souligner le danger qui guettait tout un chacun.

 

La vie reprend ses droits

 

Les populations de ces zones infestées de mines tout comme les victimes considèrent que les opérations de lutte contre ces fléaux menées par les éléments du Génie de l’ANP ont permis la restitution de vastes terres inexploitées. Elles assurent aujourd’hui un développement économique et social aux populations concernées.

Au début de l’année 2016, toutes ces terres ont été « nettoyées » et sécurisées. Les services de la wilaya indiquent qu’une superficie totale de 4.230 hectares, répartie sur un périmètre de 957 kms le long des frontières, a été restituée aux habitants de six communes limitrophes.

Ces terres sont aujourd’hui fertiles et productrices. Elles sont synonymes pour les générations futures un véritable défi relevé pour repousser la mort et redonner la vie et l’espoir.

Les victimes resteront des témoins incontestables de la barbarie et de la sauvagerie des crimes perpétrés par l’armée coloniale contre la population algérienne.

Pour l’universitaire et historien Samir Derdour, d’Aïn Sefra, « la France coloniale doit assumer l’entière responsabilité de ses crimes et les conséquences de ses champs de mines destructeurs dont le but était d’isoler et de briser par tous les moyens la révolution armée ».

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