ALGER – L’économie algérienne jouit d’une capacité de résilience « importante » face aux chocs pétroliers et crise et sanitaire, en s’appuyant sur sa solidité financière et son potentiel de croissance dans les différents secteurs d’activités, mais doit lancer en « urgence » des réformes profondes, ont estimé lundi des experts économiques contactés par l’APS.
« Nous disposons de plusieurs sources de financement que nous pouvons mobiliser et qui peuvent être des leviers pour une reprise économique extrêmement intéressante et diversifiée », a affirmé l’expert, Mustapha Mékidèche.
Il s’agit en premier lieu des réserves de changes qui continuent à être un outil de « protection » pour l’économie nationale avec près de 60 milliards de dollars, même s’il arrive à sa « phase finale », selon l’expert.
L’économiste a rappelé également que les mesures bancaires et fiscales au profit des entreprises, notamment celles annoncées par la Banque d’Algérie au début de la crise sanitaire (diminution du taux directeur et des réserves obligatoires) « permettent au système financier de disposer de plus de liquidité et par conséquent de moyens pour accompagner les opérateurs économiques ».
Toutefois, la banque centrale est appelée à être « plus décisive » dans sa démarche de soutien des entreprises à court termes, note encore l’expert.
Mais, a ajouté Mékidèche, outre le système bancaire, les acteurs économiques peuvent, à la faveur des amendements relatifs aux investissements dans le cadre de la loi de finances complémentaires, recourir à d’autres types de financement à l’intérieur ou à l’extérieur du pays (ouverture sur les investissements directs étrangers, projet financing… ).
Par ailleurs, l’expert souligne que les secteurs d’activité stratégiques résistent aux difficultés imposés par la conjoncture économique, notamment l’agriculture qui continue à assurer les besoins du marché local.
A cela s’ajoute le grand potentiel dans les secteurs de l’industrie pharmaceutique dont le secteur privé contribue de manière significative, des matériaux de construction (ciment, acier, céramique..), de la pétrochimie et des mines, et qui peuvent renforcer la résilience économique du pays.
« Les gisements de croissance existent en Algérie mais il faut leur donner le soutien et l’accompagnement nécessaires pour concrétiser la transformation économique vers la création de richesses et d’emploi », a-t-il soutenu.
Concernant le rôle de la société civile dans cette vision, M. Mékidèche a souligné l’importance de s’appuyer sur une véritable représentation sociale, en impliquant les syndicats autonomes et pas seulement l’UGTA, pour concevoir un nouveau format de discutions tripartites qui doivent, par ailleurs, être accompagné « par un patronat restructuré, basé sur les principes de la citoyenneté, et ouvert sur les règles de la compétition ».
La situation est encore « supportable »
De son coté, l’expert économique et ancien ministre des Finances, Abderahmane Benkhelfa, a souligné que l’Algérie est dans une position « supportable » dans l’immédiat avec une marge de manœuvre « assez suffisante » pour relancer des réformes permettant de diversifier son économie.
« Dans les circonstances actuelles, avec la récession et l’ambiance morose des affaires qui dominent l’économie mondiale, tout les pays du monde sont, à des degrés divers, exposés à des risques. Il n’y a pas de résilience au sens absolu et personne n’est à l’abri », a déclaré M. Benkhelfa.
Toutefois, « les économies ayant un niveau d’épargne acceptable avec des ressources qui n’ont pas été touchées dans leur totalité, et qui ne sont pas exagérément endettées et ont une économie qui continue à tourner en partie, sont en position meilleur que d’autres ».
En se basant sur ces critères, l’Algérie est « dans une position supportable pour ces deux années 2020 et 2021. Il y a une capacité pour faire face aux urgences et aux priorités, mais il faudra préparer le décollage économique avant 2021 », a-t-il affirmé.
Dans ce sens, l’expert a souligné les ajustements à mettre en place en priorité et qui doivent être axés, d’abord, sur la rigueur dans la dépense budgétaire, sur la mobilisation des ressources du marché (finance islamique, réformes fiscales, intégration du secteur informel, inclusion des ressources non bancarisées…) ainsi que l’attractivité de l’économie en investissant dans la confiance, dans le lobbying et l’image.
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« Tout ces dossiers ont été à un moment ou à un autre, étudiés mais maintenant il faut passer à l’opérationnalisation qui repose sur les pouvoirs publics et l’administration économique centrale et locale, mais aussi sur les acteurs de l’économie et les banques établissements financiers », indique M. Benkhelfa.
Interrogé sur la possibilité de recourir à l’endettement extérieur, l’expert a mis l’accent sur la nécessité de distinguer entre l’endettement de l’Etat et celui des entreprises.
« L’endettement de l’Etat est une question de souveraineté. Ce n’est pas encore nécessaire vu la marge de manœuvre que nous avons et à condition de mener des réformes qui touchent l’administration, la gestion du secteur public et les transferts sociaux, afin de décharger l’Etat des coûts qui pèsent sur son budget. Mais les entreprises, publiques et privés, qui ont des capacités et des marchés importants, peuvent recourir de l’extérieur pour financer leurs projets et activités, en engageant leurs responsabilités », fait remarquer M. Benkhelfa.
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