L’école du réformisme musulman algérien qui avait pour cheval de bataille l’enseignement des jeunes filles

L'école du réformisme musulman algérien qui avait pour cheval de bataille l'enseignement des jeunes filles

ALGER – L’Association des oulémas musulmans algériens (AOMA) a mené, durant la période coloniale, des batailles sur différents fronts pour dynamiser le mouvement réformiste musulman, l’enseignement des  jeunes filles ayant été parmi les plus rudes et dont elle en est sortie victorieuse, en formant des milliers d’entre elles qui ont laissé leur empreinte sur les scènes intellectuelle et politique.

Depuis sa fondation, l’Association des oulémas musulmans a œuvré à opérer un mouvement de réforme, en vue de préserver les fondements de l’identité algérienne que le colonisateur a tenté d’effacer par divers moyens, à travers la politique de sous-développement et d’obscurantisme qu’il a empruntée.

A ce propos, le vice-président de l’Association des oulémas musulmans, Ammar Talbi, a indiqué dans une déclaration à l’APS que l’association avec son guide Cheikh Abdelhamid Ben Badis, a  » compris très tôt que la société ne peut être fondée sur un seul pilier et que la femme était une partie importante non seulement dans la vie familiale mais dans la vie sociale d’autant plus que son rôle à l’époque n’était pas actif , étant privée de l’enseignement ».

Pour M. Ammar Talbi, cette privation a eu des répercussions négatives sur les milieux de la société dans son ensemble, ce qui a poussé l’Association des musulmans algériens à œuvrer au changement des mentalités. L’imam Ben Badis a ainsi appelé, depuis la fondation de l’Ecole de l’association de l’éducation et de l’enseignement islamiques de Constantine, à la nécessité d’inculquer un enseignement aux jeunes filles, en y accordant une importance vitale, a-t-il expliqué ajoutant qu’il consacrait tous les efforts pour répandre le savoir en général et éduquer la femme en particulier.

L’Association des oulémas a également œuvré à changer les mentalités qui prévalaient à l’époque, à savoir la privation des jeunes filles de l’enseignement, en mobilisant ses plumes et en consacrant des cours dans des mosquées pour les femmes, outre l’encouragement à l’ inscription de leurs filles dans les écoles de l’association, à l’instar de ce qu’avait fait Cheikh Larbi Tebessi.

L’Association ne s’est pas contentée de se limiter à enseigner les jeunes au cycle primaire, mais a permis à ces derniers d’accéder à l’enseignement spécialisé et c’est dans cette démarche, que Cheikh Ben Badis a envoyé une lettre à la directrice de l’école de l’Association syrienne Dawhat Al Adab, dans laquelle il lui demande d’admettre un groupe d’étudiantes algériennes au sein de son école.

L’initiative de l’illustre savant est intervenue en raison de l’absence de classes dédiées aux filles au niveau de la Mosquée Zitouna à Tunis, occupée principalement par les garçons. Il a donc eu recours à une alternative au profit de ces étudiantes, selon Pr Talbi.

La majorité des écoles de l’Association qui se sont répandues sur l’ensemble du territoire national, explique le vice-président de l’AOMA, ont veillé à consacrer des annexes ou des classes pour filles.

Les données révèlent que leur scolarisation, qui a connu un début timide avec seulement 80 filles plusieurs mois après la création d’une école islamique d’éducation et d’enseignement, s’est répandue pour y inclure 5.696 à travers toutes les écoles, une sorte d’investissement sur le long terme et une formation pour devenir enseignantes dans les écoles de filles à l’instar de l’école Aicha à Tlemcen et celles de Blida et d’Alger.

Dans le même contexte, la femme de lettres et ancienne ministre Zhour Ounissi, une des anciennes élèves de l’école islamique d’éducation à Constantine, raconte à l’APS comment le réformateur Ibn Badis veillait à la scolarisation des filles, citant le texte de la loi fondamentale de l’école qui exige une contrepartie financière pour la scolarisation des garçons contrairement à celle des filles, gratuite afin de contrecarrer tout éventuel prétexte pouvant les empêcher d’accéder à l’éducation.

« Cheikh Ibn Badis insistait sur la scolarisation des filles, persuadé qu’éduquer un homme c’est éduquer un individu et éduquer une femme c’est éduquer une famille et toute une nation », a ajouté l’écrivaine, soulignant que cette conviction émanait d’une profonde conscience des conditions de la société à l’époque.

De ce fait, il a, d’une part, joué « un grand rôle dans la renaissance du patrimoine religieux, culturel et intellectuel de l’Algérie et dans le développement de la condition et l’éducation de la femme, d’autre part », a-t-elle affirmé.

Mme Ounissi a évoqué ses journées à l’école dans les classes de l’AOMA, soulignant que la plupart de ses anciennes camarades sont par la suite devenues Moudjahidate ou sont tombées en martyrs lors de la glorieuse Révolution de Novembre 1954.

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