LA REFORME DE LA LOI DES RETRAITES ET DES HYDROCARBURES : Deux dossiers sensibles qui engagent la sécurité nationale

Il faut distinguer le temps politique du temps économique tant pour l’avant projet de loi sur les retraites que l’avant projet de loi sur les hydrocarbures. Pour les caisses de retraites. La population vieillissante pose de sérieux défis, tant d’un point de vue démographique et social qu’économique et financier, la cause principale de ce vieillissement étant l’augmentation de la longévité. Avec la pression démographique souvent oubliée, il faudra entre 2020/2025 créer plus de 350.000/400.000 emplois par an, qui s’ajoutent au taux de chômage.

Pour les hydrocarbures après des décennies elles procurent directement et indirectement, avec les dérivées  comptabilisés dans la rubrique hors hydrocarbures, plus de 98% des recettes en devises avec des impacts sur la dépense publique principale source du taux de croissance, donc le taux d’emploi et des réserves de change en nette diminution avec le risque d’épuisement fin 2021, début 2022.  Ces deux dossiers extrêmement   sensibles, pour leur  efficacité, renvoie à la sécurité nationale passant par le  dialogue social et à la réussite de la  réforme globale, posant la problématique du devenir de l’Algérie 2020/2030.

1.-Concernant la réforme des retraites
1.1.-Rappelons, en fonction des expériences historiques dans le monde, il y a  le système de répartition auquel sont associés les assurances et le système de participation, souvent combinés. En Algérie existe deux caisses de retraites, l’une pour les personnes  nommés par  décret pendant 10 ans bénéficiant d’une retraite à 100% et l’autre majoritaire plus de 80% bénéficiant d’une retraite à 80%. Exemple un simple sous-directeur de ministère ayant 10 ans de décret bénéfice d’une retraite à 100% alors qu’un professeur d’Université de plus de 32 ans, seulement de 80 %.  Dans le système en vigueur, toute personne ayant cumulé trente-deux années d’activité peut, s’il en fait la demande, partir à la retraite sans attendre l’âge de départ légal de 60 ans.
1.2.- Pour l’Algérie la  population active  est de  12,5 millions sur une population  totale de 43 millions d’habitants au 01 janvier 2019 avec une sphère informelle non soumise aux cotisations, n’étant pas affilée à la caisse de sécurité sociale et par ricochet ne payant pas  d’impôts, servant de soupape social,   représentant hors hydrocarbures plus de 50% de la superficie économique et occupant avec des données contradictoires 35/40% de la population active.  Le  marché du travail alimenté par la  dépense publique via la  rente  des hydrocarbures, montre clairement une  économie rentière avec les  emplois dominants dans les  services/ commerce  60% du total , le  BTPH 17% , l’ industrie moins de 13%  avec plus de 2 millions de fonctionnaires et  une  productivité une des plus faible au niveau de la région MENA, selon l’OCDE, deux fois plus  de dépenses monétaires  pour avoir deux moins d’impacts économiques et sociaux.
1.3.- Fin 2018, nous avons 3,2 millions de retraités et le ratio du nombre de travailleurs cotisants pour un retraité est actuellement à 2/1 alors que la norme pour garantir la viabilité d’un système de retraite est d’au moins 5 actifs cotisants pour un retraité. Il s’ensuit que les recettes de la caisse tournent fin 2018  autour de 700 milliards de dinars  soit au cours 118 dinars un dollar 6 milliards de dollars et une dépense qui a dépassé  les 1.200 milliards de dinars soit plus de 10 milliards de dollars. Alors qu’en  2010, les dépenses en matière de retraite tournaient autour de 350 milliards de dinars, soit 3 milliards de dollars  pour une recette de l’ordre de 370 milliards de dinars soit 3,13 milliards de dollars  et en 2012,  une recette de 650 milliards de dinars  soit, 5,50 milliards de dollars  pour une dépense d’à peine 600 milliards de dinars soit, 5 milliards de dollar. Le déficit de la caisse en 2018 a été  de  plus de 500 milliards de dinars soit 4,3 milliards de dollars.
1.4-Des discussions sérieuses grâce  à un  dialogue social serein doivent concerner les propositions émises récemment par  le ministère du travail, en soulignant que toute loi n’est pas rétroactive  et qui concerne les futurs retraités où l’espérance  de vie pour l’Algérie est autour de 77,70 ans  en 2018,  pour les deux sexes, selon les Nations Unies.  L’autre proposition du  gel des 2,5% de revalorisation des retraites qui prennent effet chaque mois de mai. La proposition  de  ramener la part des retraites à 60% au lieu  de 80% et  de  prendre en compte dans les  calculs non pas les cinq dernières années mais les 10 dernières années : les hauts fonctionnaires bénéficiant  de la  retraite de 100% sont-ils concernés ?  Qu’en   sera-t-il des petites retraites  variant entre 20.000/30.000 dinars. Pour le rallongement à 65 ans a-t-on pris en charge les métiers pénibles et ceux qui ont  commencé à travailler  entre 18/25 ans?
1.5-Comme la réforme des retraites renvoient à la politique des subventions qui doivent être ciblées, constituant  un revenu. En effet,  l’Etat, dans toutes les  lois de finances de 2019, et celle de 2020, continue à subventionner les principaux produits de première nécessité, encore que cela est injuste ,celui qui perçoit 30.000 dinars mois bénéficiant  des mêmes  subventions que celui dont le  revenu dépasse 300.000 dinars, devant aller, comme je le préconise depuis 2008,  vers des subventions ciblées budgétisées par le parlement. Pour 2019, une enveloppe budgétaire de 1.763 milliards de DA a été  allouée aux transferts sociaux  (contre 1.760 milliards de DA en 2018), soit près de 21% de la totalité du budget de l’Etat de l’année 2019.Les crédits budgétisés pour les transferts sociaux couvrent  notamment plus de 445 mds DA destinés au soutien aux familles, tandis que près de 290 mds DA seront attribués aux retraites, et auxquels s’ajoutera une dotation d’appui de 500 mds DA à la Caisse Nationale des Retraites (CNR). Ces transferts sociaux comportent également près de 336 mds DA pour la politique publique de santé et plus de 350 mds DA pour la politique publique de l’habitat auxquels s’ajouteront près de 300 mds DA mobilisés pour ce secteur par le Fonds National d’Investissement (FNI).En revanche, moins de 40% de la population algérienne ont un véhicule et le relèvement du prix du gasoil et de l’essence est relativement faible comparé au prix international.
 
2- Concernant la loi des hydrocarbures
2.1- La modification de la loi des hydrocarbures de février 2013 est une nécessité comme je l’ai souligné dans plusieurs interviews depuis sa promulgation inadaptée à la conjoncture énergétique actuelle. Il y a le temps politique, car selon nos informations au niveau international,  aucun investisseur étranger  ne viendra sans la résolution  de la crise politique. Et vouloir  faire voter cette loi dans cette conjoncture actuelle revient à mettre de l’huile sur le  feu en aiguisant les tensions sociales et donc  la crise politique alors que l’objectif essentiel est de réussir l’élection présidentielle  de décembre 2019 sous resserve qu’elle soit transparente.
2.2.- La révision nécessaire de  la loi  des hydrocarbures,   doit s’inscrire  dans le  cadre  d’une loi organique  de la transition énergétique.  Seront combinés à la fois les stratégies   de Sonatrach à l’amont et à l’aval, dans le cadre d’un partenariat gagnant/gagnant, n’ayant plus les moyens  financiers, ni les techniques nouvelles (recettes prévues fin 2019 d’environ 32 milliards de dollars auquel il  faut soustraire 20/25% de coût, avec une sortie de devises y compris les services de 54/55 milliards de dollars avec des réserves de change entre 58/60 milliards de dollars ),  les énergies renouvelables, énergie d’avenir pour les besoins locaux et éviter de  ne pouvoir exporter horizon 2030,    l’efficacité énergétique , la plus grande réserve luttant contre le gaspillage  posant la problématique des subventions généralisées  et le pétrole/ gaz de schiste (3ème réservoir mondial) à ne pas écarter dans le Mix,  sous réserve de nouvelles techniques opérationnelles horizon 2022/2025 ,qui économiseront 98% d’eau douce et de produits chimiques dans les puits , donc protégeant l’environnement mais  nécessitant un dialogue social avec les populations des régions concernées.
2.3.-Les hydrocarbures   procurant 98% des ressources   en devises du pays, irriguant toute la société,  directement et indirectement , renvoyant à la sécurité nationale, nécessite un dialogue sérieux pas seulement technique mais également politique , appartenant au futur président et à son gouvernent, légitime ,de la présenter  soit à l’actuel parlement ou à un nouveau parlement, étant souhaitable qu’elle s’insère, comme souligné précédemment,  dans le  cadre d’une loi organique de la transition énergétique.
2.4.-Je  m‘insurge contre des déclarations   qui disent qu’il ya   urgence de voter immédiatement  cette loi,  en invoquant les entrées immédiates de devises. Outre qu’une loi n’est jamais rétroactive selon le droit international, ces personnes  induisent en erreur l’opinion publique et les décideurs du pays. Même, si cette  loi est votée en novembre 2019, avec curieusement la campagne pour l’élection présidentielle, supposant un climat apaisé, l’attrait de l’investissement ne se fera pas  avant quatre à cinq années  et   qui sera fonction  du vecteur  prix tant du pétrole que du gaz (représentant 33% des recettes de Sonatrach fluctuant, actuellement sur le marché libre entre 2/3 dollars le MBTU) et du nouveau modèle de consommation énergétique au niveau mondial qui devrait connaitre un profond bouleversement entre 2020/2025/2030.
3.- Ces deux lois doivent s’inscrire dans  le cadre d’une vision stratégique globale  
3.1-L’objectif stratégique passe par la mise  en place  d’une économie  productive dans le cadre des nouvelles valeurs internationales (bonne gouvernance, valorisation du savoir, compétitivité ) en évitant  de vivre de l’illusion de la rente éternelle des hydrocarbures  et de penser qu’une loi peut résoudre le problème des caisses de retraite ou le développement sans une  réelle volonté politique de mener à bien les réformes structurelles qui accusent des décennies de retard.  Alors  qu’il s ‘agit de revoir toute la politique économique de lutter contre le gaspillage, la corruption les surcouts de projets et d’intégrer intelligemment la sphère informelle,  afin d‘éviter de faire supporter le fardeau sur les couches les plus défavorisées et en pénalisant les activités productives.
3.2- Dans ce contexte politique particulier à l’Algérie qui traverse une très grave crise politique,  devant privilégier la stabilité  et la sécurité du pays, évitant d’accroire encore la pression sur l’ANP et nos forces de sécurité qui ont d’autres missions importantes,  il est souhaitable , d’ajourner tant l’avant projet de loi sur les hydrocarbures que la discussion sur le projet de la réforme des  caisses de retraites,  qui doivent être unifiées,  en intégrant le   régime de retraite des hauts cadres de l’Etat,  pour plus de justice sociale. Ceux sont des  dossiers très sensibles,  que seul un pouvoir légitime peut mener, avec  l’adhésion de la population grâce à une communication transparente,  afin d ‘éviter  d’accroitre les remous sociaux et influer négativement sur le  taux de participation à l’élection présidentielle.  Car, les impacts positifs, sous réserve d’une vision stratégique, de ces deux dossiers, qui doivent s’insérer dans le cadre d’une nouvelle réforme  globale, conciliant efficacité économique et justice sociale, sans démagogie et avec réalisme, ne se feront pas  avant trois à quatre années, qu’il s’agira de réformer  après l’élection présidentielle,( devant être inscrites dans le programme des candidats) , dont la réussite doit constituer l’objectif numéro 1, sous réserve qu’elle soit transparente.

 

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