Drame de Melilla/Nador: le Maroc a commis des « violations graves » contre les demandeurs d’asile

Drame de Melilla/Nador: le Maroc a commis des

RABAT-Le régime du Makhzen a commis des « violations graves » lors de « procès inéquitables » intentés contre des demandeurs d’asile d’origine africaine, détenus dans le cadre de la tragédie de Melilla/Nador qui a conduit à la mort de dizaines de migrants, selon un rapport de l’Association marocaine des droits de l’Homme (AMHD).

Ce document présenté samedi à Nador, lors d’une conférence de presse en présence d’une dizaine de juristes, fait état de plusieurs violations, comme le recours à la « falsification » pour condamner ces détenus africains, au mépris de toutes les conventions internationales liées à la protection internationale des réfugiés, signées par le Maroc.

Parmi les violations ayant entaché ces procès « marathons », qui ont duré jusqu’à tard dans la nuit (après minuit), et auxquels l’association a assisté, figurent le fait que ces détenus ont affirmé avoir été « passés à tabac par les forces de sécurité marocaines, ce qui paraît évident eu égard aux différentes blessures sur la tête et le visage ».

Le rapport souligne, en outre, que « ces migrants ont signé les procès-verbaux de la police sans les consulter et ont nié toutes les accusations montées de toutes pièces contre eux lors de leur comparution devant le juge », notant que « certains d’entre eux ont été victimes de tromperies de la part de la police judiciaire qui a exercé des pressions pour les amener à signer les PV et à se retrouver face à de lourdes accusations et à des peines injustes ».

Par ailleurs, l’AMDH a dénoncé le recours de la police marocaine aux mêmes procès-verbaux contre tous les migrants, en utilisant un procédé de « copier-coller », ce qui confirme que ces documents « sont falsifiés et préparés sur mesure dans le but d’infliger des peines maximales à ces migrants qui n’ont fait que fuir les conditions de vie difficiles dans leurs pays ».

Le rapport de l’association marocaine souligne notamment que ces PV « ne comportaient pas d’accusations détaillées et aucun argument, preuve ou enregistrement n’a été présenté pour condamner ces accusés ».

Le plus grave, poursuit le document de l’AMDH, c’est que les forces de sécurité ont confirmé qu’elles « n’ont pas été victimes de violences de la part des migrants », mais qu’au contraire, elles ont été affectées psychologiquement par ce qui s’est passé -lors de la tragédie de Melilla- compte tenu de l’horreur de ce dont ils ont été témoins. »

Le rapport est également revenu sur les certificats médicaux obtenus par des éléments de la police qui auraient été victimes de violences, « sans avoir passé un examen médical au préalable, ce qui est considéré comme frauduleux et à même de tromper la justice ».

Il conclut par le fait que les peines prononcées contre les migrants détenus dans le cadre des évènements du 24 juin sont « très dures et injustes », et prouvent « à quel point la justice est mise au service de la politique d’immigration », dénonçant « l’absence de conditions pour un procès équitable et des condamnations allant dans leur total à un siècle d’emprisonnement contre 88 migrants ».

Dans ce contexte, l’AMDH a appelé à l’ouverture d’une enquête internationale sur la tragédie de Nador/Melilla et tenu les autorités du Makhzen pour responsables des graves violations commises contre les migrants africains.

150 ONG dénoncent le classement de l’enquête en Espagne

Plus de 150 ONG ont qualifié d' »extrêmement dangereux » le classement de l’enquête par le Parquet espagnol sur les événements dramatiques de Nador/Melilla en juin dernier, quand des dizaines de migrants d’Afrique subsaharienne ont été sauvagement tués, alors qu’ils tentaient d’entrer dans l’enclave espagnole.

Ces organisations espagnoles de défense des droits civils et humains décrivent le jugement rendu, vendredi, par le Parquet espagnol, comme « extrêmement dangereux », mettant en garde contre le fait de laisser cette tragédie « sans sanction, ni identification des responsabilités ».

Elles soulignent à ce propos que les décès étaient dus à « l’usage inapproprié de la force par les autorités », ainsi qu’à l’utilisation à bout portant de l’équipement anti-émeute.

A cet égard, les organisations regrettent « l’impunité » entourant cette affaire, mettant en lumière « le racisme des institutions étatiques qui ne veulent pas enquêter sur le meurtre de dizaines de personnes ».

Amnesty International a aussi critiqué la décision du Parquet espagnol de classer l’enquête sur ces évènements, affirmant que cela « encourageait l’impunité ».       

Le classement de ce dossier intervient en dépit des appels de nombreux pays et organisations internationales à l’ouverture d’une enquête internationale indépendante, afin de faire la lumière sur ce qui s’est réellement passé et sanctionner les auteurs des crimes commis le vendredi 24 juin, devenu « Vendredi noir ».

Près de 2.000 migrants d’Afrique subsaharienne ont tenté d’entrer à Melilla depuis Nador (nord du Maroc) ce jour-là. La tragédie de ces personnes, des jeunes pour la plupart, a suscité l’indignation internationale, alors que les Nations unies ont condamné « l’usage excessif de la force par les autorités marocaines et espagnoles ».

Selon des organisations de défense des droits humains au Maroc et ailleurs, le nombre de victimes lors de la répression sanglante menée contre les migrants dépasse de loin les 23 morts annoncés par les autorités marocaines. Au moins 37 personnes ont été tuées et plus de 70 sont portées disparues.

De nombreuses vidéos et images ont circulé sur les réseaux sociaux montrant des dizaines de migrants au sol, quasiment inertes. Certaines montraient également les forces de sécurité marocaines en train de tabasser des migrants.

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