La conversion d’Abdelkarim Germaneus, connu auparavant sous le nom de Gyula Germaneus, à l’islam a marqué un tournant décisif dans sa vie.
Il décrit lui-même ce moment comme une « illumination ». Pensée libre et esprit éclairé, il a découvert dans l’islam une source d’admiration et de conviction profonde. Cet universitaire hongrois a consacré la moitié de sa vie après sa conversion à la défense des causes islamiques et de la langue arabe, considérant sa foi comme une libération des carcans de son éducation et des traditions imposées.
Une jeunesse marquée par l’orientalisme
Né en 1884 à Budapest, en Hongrie, Abdelkarim Germaneus a grandi dans un environnement chrétien. Diplômé de l’Université de Budapest, il a été envoyé en 1903 à l’Université d’Istanbul pour se spécialiser dans l’étude de la langue turque. En deux ans seulement, il a maîtrisé cette langue à l’oral comme à l’écrit.
C’est durant son séjour à Istanbul que le destin l’a conduit à la lecture d’une traduction du Coran en turc. Cette découverte a éveillé en lui un profond intérêt pour l’islam et l’a poussé à s’interroger sur les discours chrétiens et orientalistes qu’il avait entendus jusque-là. Intrigué par les contradictions entre ce qu’il lisait dans le Coran et les descriptions biaisées des missionnaires, il s’est engagé dans une étude comparative entre les textes islamiques authentiques et les écrits des orientalistes et des ecclésiastiques.
Son désir de compréhension l’a amené à lire des traductions des hadiths du Prophète Mohammed (paix et salut sur lui) et à approfondir ses connaissances sur l’islam à travers ses sources les plus fiables. Plus il avançait dans ses recherches, plus il était impressionné par la clarté et la pertinence des enseignements islamiques.
Le retour en Hongrie et l’annonce de sa conversion
De retour en Hongrie, Germaneus a été confronté à des professeurs orientalistes qui véhiculaient des idées erronées sur l’islam. Lors d’un débat avec l’un d’eux, qui citait des propos falsifiés du Prophète pour discréditer la religion, il a demandé à donner une conférence pour rétablir la vérité. Pendant plusieurs semaines, il s’est attelé à démonter, avec rigueur et objectivité, les fausses accusations portées contre l’islam.
Décidé à approfondir son savoir, il a alors appris l’arabe, langue qu’il a maîtrisée après avoir étudié le persan. Sa passion et son talent lui ont permis d’être nommé en 1912 professeur de langues arabe, turque et persane, ainsi que d’histoire et de civilisation islamiques à Budapest.
En 1929, il a été invité par le poète indien Rabindranath Tagore à enseigner dans plusieurs universités indiennes, notamment à Delhi, Lahore et Hyderabad. C’est lors de son séjour en Inde qu’il a officiellement embrassé l’islam dans la grande mosquée de Delhi, en prenant le nom d’Abdelkarim Germaneus. Ce jour-là, il a prononcé le sermon du vendredi, marquant le début d’une nouvelle étape dans son engagement pour l’islam.
Rencontres marquantes et engagements intellectuels
Sa quête de savoir et sa passion pour l’islam l’ont amené à rencontrer de grandes figures du monde musulman, notamment le poète et philosophe Mohammed Iqbal. Ensemble, ils ont longuement débattu sur les défis du monde musulman face aux orientalistes et aux missions chrétiennes. Germaneus attribuait ces influences étrangères au manque d’équité des élites chrétiennes européennes, tandis qu’Iqbal soulignait la négligence de certains musulmans qui encourageaient, parfois inconsciemment, la propagation des écoles étrangères dans les pays islamiques.
Son engagement pour la langue arabe lui a également permis de tisser des liens avec l’écrivain égyptien Mahmoud Teymour, qui l’a interrogé sur les raisons profondes de sa conversion. Germaneus a répondu en ces termes :
« C’était un moment d’illumination. L’islam est la religion des esprits éclairés. Les penseurs libres y trouvent une doctrine et une législation empreintes de sagesse et de vérité. Plus les hommes se libèrent des carcans du conformisme, plus ils s’ouvrent à la grandeur de l’islam. »
Lorsqu’on lui a demandé ce qui l’avait le plus séduit dans l’islam, il a répondu sans hésitation :
« Sa pureté. L’islam est la religion de la propreté : propreté du corps, de l’âme, du comportement social et du sentiment humain. »
Un amour profond pour la langue arabe
Désireux de perfectionner son arabe, Germaneus a voyagé au Caire, pensant y entendre la langue du Coran. Mais il a été surpris d’être moqué par certains Égyptiens lorsqu’il s’exprimait en arabe littéraire. Révolté, il leur a lancé :
« Je suis venu apprendre de vous la langue du Coran ! Et vous m’accueillez par le mépris et les moqueries ?! »
Son amour pour la langue arabe l’a amené à combattre les mouvements visant à imposer les dialectes locaux au détriment de l’arabe littéraire. À l’Université de Budapest, il s’est opposé aux orientalistes qui souhaitaient fragmenter le monde arabe en multipliant les langues vernaculaires.
Il a également influencé Mahmoud Teymour, qui avait d’abord écrit en dialecte égyptien avant de se tourner définitivement vers l’arabe classique après une discussion avec Germaneus.
Son rôle au sein des institutions islamiques
Reconnu pour son immense contribution au monde arabe et musulman, Abdelkarim Germaneus a été élu membre de plusieurs académies scientifiques arabes, notamment :
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L’Académie des sciences d’Irak (1962)
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L’Académie de la langue arabe du Caire
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L’Académie de la langue arabe de Damas
En Hongrie, il a fondé une association musulmane regroupant près de 2000 convertis, et il a réussi à obtenir la reconnaissance de l’islam comme religion officielle dans son pays.
Il a également eu l’honneur d’accomplir le pèlerinage à La Mecque à deux reprises (1935 et 1939). Son premier voyage l’a inspiré à écrire son célèbre livre « Allah Akbar », traduit en plusieurs langues.
Un héritage intellectuel et spirituel
Durant sa carrière, Germaneus a publié de nombreux ouvrages sur l’islam, la langue arabe et la culture orientale, dont :
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Allah Akbar
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Les poètes arabes
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Le renouveau de la culture arabe
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L’histoire de la littérature arabe
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Les courants modernes de l’islam
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L’islam et l’Orientalisme
Il est décédé le 7 novembre 1979, après avoir consacré près de 50 ans à la promotion et à la défense de l’islam. Son parcours demeure un témoignage inspirant du pouvoir de la connaissance et de la quête de vérité.
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