Dechrat Ouled Moussa à Batna: témoin inamissible de la glorieuse Révolution et du génie de ses architectes

BATNA – Dechrat Ouled Moussa, dans la commune d’Ichemoul (Batna), lieu où se réunirent, dans la nuit du 31 octobre 1954, les premiers combattants de la Liberté, reste le témoin inamissible de la naissance de la glorieuse Révolution et du génie de ses architectes.

C’est dans l’une des vieilles et modestes masures de la Dechra, celle des frères Benchaïba, en l’occurrence, que le Chahid Mostefa Ben Boulaïd a supervisé la distribution d’armes à des enfants du peuple, humbles mais déterminés, qui ont choisi de se sacrifier pour que l’Algérie vive libre.

C’est à partir de ce petit hameau reculé, situé à une dizaine de km de la ville d’Arris, qu’il y a 69 ans, le 1er novembre 1954 à 0 heure, 39 groupes de Moudjahidine ont emprunté, mus par leur idéal de liberté, des sentiers obscurcis par la nuit pour mener les premières attaques contre le colonisateur français, écrivant par-là même l’une des pages les plus glorieuses de l’Histoire de notre pays.

Les nombreux Moudjahidine de la première heure, que l’APS avait pu contacter de leur vivant, ont tous convenu que l’emplacement de Dechrat Ouled Moussa était éminemment stratégique puisqu’il permettait de surveiller les alentours et de déceler le moindre mouvement des troupes ennemies.

Le secret le plus absolu qui avait entouré la préparation puis le déroulement de la réunion de la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, a été décisif et a favorisé l’effet de surprise, primordial pour la mise à exécution du plan élaboré avec minutie par les architectes de la Révolution.

Le regretté Moudjahid Amar Benchaïba, alias Ali, avait déclaré à l’APS que tout s’était « déroulé comme l’avait planifié le martyr Mostefa Ben Boulaïd, d’autant que la maison familiale était tout-à-fait appropriée car située en hauteur et comprenait 3 grandes cours et 20 pièces ».

Tous les Moudjahidine qui étaient présents à cette mémorable réunion (aujourd’hui disparus), avaient indiqué dans leurs témoignages, que des « instructions fermes » avaient été données à tous ceux qui se trouvaient à l’intérieur de la maison, leur enjoignant de ne la quitter sous aucun prétexte, « sauf sur ordre de Mostefa Ben Boulaïd en personne ».

Le défunt Moudjahid Mohamed Biouche s’était remémoré la journée du 30 octobre, « passée à vérifier et à préparer les munitions », puis la journée du lendemain, 31 octobre, consacrée par les quelque 400 combattants présents au nettoyage des armes. Il avait également affirmé que seuls les chefs de groupes connaissaient la date fixée pour le déclenchement de la lutte armée, avant que « Si Mostefa n’apparaisse, en fin de journée, le 31 octobre, pour les en informer » et « parachever la distribution des armes ».

Selon des témoignages de nombreux autres moudjahidine aujourd’hui décédés, parmi lesquels Mohamed Djermoune, « les premiers groupes partis de Dechrat Ouled Moussa ont commencé par jurer, en présence de Ben Boulaïd, de Chihani Bachir, de Adel Adjoul, de Abbas Laghrour et de Mustapha Boucette, entre autres, de ne jamais baisser les armes, ni de battre en retraite jusqu’à ce l’Algérie recouvre son indépendance ».

 

 Un repère historique immuable et une symbolique éternelle

 

Pour le secrétaire de wilaya de l’Organisation nationale des Moudjahidine, Rahmani El Abed, Dechrat Ouled Moussa est un « repère historique immuable » et représente une « symbolique éternelle », non seulement dans la région des Aurès, mais également dans toute l’Algérie. C’est un « phare qui illuminera le chemin des générations qui se succéderont et qui leur rappellera les sacrifices du peuple algérien et tout ce que la génération de Novembre a réalisé pour le recouvrement de la souveraineté nationale », a-t-il souligné.

Le Dr Djamel Messerhi, spécialiste en Histoire à l’université Batna-1, estime, de son côté, que la génération de l’indépendance « devrait accorder une grande importance à ces monuments de la Mémoire et leur donner la place qu’ils méritent et les préserver en tant que pan essentiel de la mémoire nationale ».

Le choix de Dechrat Ouled Moussa comme principal centre de stockage des armes « n’était pas fortuit, car il a répondu à des considérations stratégiques qui démontrent clairement le génie de ceux qui ont pensé la Révolution, dont le leader-symbole Mostefa Ben Boulaïd », a-t-il ajouté.

Le Dr Messerhi a également souligné que le site de Dechrat Ouled Moussa « surplombe la ville d’Arris où se trouvaient les locaux de la gendarmerie française et un cantonnement de l’armée coloniale, et permettait de surveiller facilement la route pouvant être empruntée par les forces ennemies ».

L’importance de Dechrat Ouled Moussa réside également, selon le même universitaire, dans sa facilité d’accès pour le groupe de bandits d’honneur de l’époque tels que Hocine Berrehaïl, Ahmed Kada et Grine Belkacem qui fréquentaient les villages voisins comme Chenaoura (T’kout), Foum Toub et Kimel et qui n’avaient pas hésité à répondre à l’appel de Ben Boulaïd.

Il a également évoqué la proximité de la Dechra avec les rives de l’Oued Labiod qui constituaient l’un des itinéraires des militants sur lesquels comptait Ben Boulaïd pour acheminer des armes depuis le sud, en particulier d’El Oued.

A la veille du 69ème anniversaire du déclenchement de la Révolution, Dechrat Ouled Moussa n’a rien perdu de son prestige, ni de son attractivité. 69 ans après la réunion cruciale, elle conserve encore ses constructions d’origine et ses habitations traditionnelles au cachet purement local. Son entrée est aujourd’hui agrémentée d’une imposante fresque murale portant les noms de plus de 1.000 martyrs des régions d’Arris, d’Ichemoul,de Tighanimine Ishmool, Tiganimin et Foum Toub.

Le monument historique, restauré et réhabilité au cours des dernières années, attire, tout au long de l’année, un grand nombre de visiteurs, dont des écoliers, des étudiants, des chercheurs, et même des touristes nationaux et étrangers.

Si le musée réalisé in situ exerce une force d’attraction jamais démentie, la maison des Benchaïba n’est pas en reste, de nombreuses personnes prenant plaisir à y déambuler comme s’ils suivaient les traces de Mostefa Ben Boulaïd et de ses compagnons de la première heure qui allumèrent l’étincelle de Novembre, et qui restent, aujourd’hui encore, un solide rempart contre l’oubli.

 

A lire également

Lire également