Chérif Boubaghla, la destinée singulière d’un résistant

Chérif Boubaghla, la destinée singulière d’un résistant - Algérie
Chérif Boubaghla, la destinée singulière d’un résistant

TIZI-OUZOU – Résistant héroïque à la conquête française en Kabylie, Mohammed Al Amdjeb Ben Abdelmalek, surnommé Cherif Boubaghla, venu de l’Ouest du pays, consacre par sa destinée, l’unité nationale dans la résistance contre le colonialisme.

Dérogeant aux parcours des pionniers des résistances populaires d’alors contre cette conquête, dont la plupart avaient combattus parmi leurs tribus et dans leurs régions natales, Boubaghla a organisé sa résistance dont il était devenu le symbole, en terre d’accueil où il était venu se réfugier.

Arrivé de l’Ouest du pays par Sour El Ghozlane, au Sud-ouest de Bouira, vers 1849, l’homme, alors âgé d’une quarantaine d’années le dit-on, s’est installé auprès des Ath Abbas aux confins nord des Bibans, puis des Ath Mlikech sur le flanc sud du Djurdjura, dont il a fait le point de départ et la base arrière de sa résistance.

Il fréquenta, d’abord, les marchés de la région à donner des soins aux malades par les pratiques empiriques et les amulettes afin de connaître le pays, sa population et ses mœurs guerrières. Ensuite, il envoya des lettres aux tribus environnantes sollicitant leur aide pour constituer son armée, réussit à convaincre et rallier certains des notables locaux et commença à déranger les intérêts d’autres.

Après plusieurs batailles, il fut contraint de quitter la région sous la pression des forces françaises. Il gagna le versant nord du Djurdjura et s’est mis à mobiliser les tribus de la région et reprit ses attaques contre l’occupant.

 

Une capacité de persuasion

 

Cette capacité qu’il avait de rallier la majorité des tribus de la région, qui subissaient les pressions et représailles des forces d’occupation, à sa résistance, dénote d' »une capacité et d’une force de persuasion » fait observer Mezhoura Salhi, enseignante-chercheur en Histoire à l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou.

Il était, également, prêcheur d’un discours de guerre sainte contre l’occupant venu d’Europe pour répandre sa religion, qui avait trouvé en écho « un terrain propice à la résistance, les habitants de la région, voyant d’un mauvais œil l’arrivée des français sur leur terres », souligne, pour sa part, l’historien Omar Kerdja.

Ces deux facteurs ajoutés à sa renommée de « prestidigitateur invulnérable acquise en fréquentant les marchés de la région firent de lui un adversaire de forte personnalité qui réussit vite à établir et d’étendre son influence sur la presque totalité de la Kabylie », souligne-t-il.

Dépourvu de moyens, « il opta, à l’instar de toutes les révoltes populaires d’alors, pour la mobilisation des populations et tribus autochtones comme seule arme, avec comme nuance qu’il s’établissait rarement pour longtemps au même endroit », note Salhi.

La même stratégie adoptée quelques années auparavant par l’Emir Abdelkader, dont on le disait être un des cavaliers. « Il était clair et éclair. Pour lui, il fallait attaquer, presser et forcer l’ennemi à refluer », relève de son côté Omar Kerdja.

Il savait aussi, ajoute l’historien, « profiter des faiblesses de l’armée française pour mener ses assauts contre elle comme lors de l’engagement des troupes françaises dans la guerre de Crimée où il intensifia ses attaques tout en incitant les tribus de la région à la révolte et à se joindre à sa cause ».

Affublé de plusieurs surnoms dont le plus connu, et qui est passé à la postérité est Boubaghla (L’homme à la mule), « bou-Seif » (l’homme à l’épée) ou « moul sa’a » (le maître de l’heure ou celui par qui la délivrance arrivera), Boubaghla « avait une destinée singulière et énigmatique sur certains points », considère Mezhoura Salhi.

A ce jour, soutient-elle, « les historiens divergent sur sa véritable identité, son origine comme son âge et son parcours antérieur », précisant que certains le décrivent comme « réservé de caractère ». De ses traits physiques, peu de descriptions ont aussi filtré. « Il est décrit comme un mystique, d’un teint basané et une barbe fournie, sans plus », dira-t-elle.

« Quelle que soit son origine, il est le type d’homme-guerrier qui a cherché à combattre l’ennemi rampant sur le pays et qui se révéla un adversaire de forte personnalité », estime, pour sa part, à ce propos, l’historien Kerdja.

Après une résistance de 4 années durant lesquelles il a croisé le fer avec l’armée française à laquelle il infligea plusieurs défaites, l’obligeant à mobiliser le gros de ses troupes et les meilleurs de ses officiers à sa poursuite, il fut blessé et capturé lors d’une bataille dans la vallée de la Soummam le 26 décembre 1854.

Décapité, sa tête fut exposée par l’armée d’occupation en trophée dans la ville de Bordj-Bou-Arreridj le 28 décembre, acheminée en France et conservée au Musée d’histoire naturelle de Paris, jusqu’à sa restitution en juillet dernier avec celles de 23 autres résistants à la conquête coloniale française en Algérie.

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