Centres de détention coloniaux à Médéa: des lieux de non-droit

 

MEDEA – Considérés comme de véritables lieux de non-droit, les centres de détention coloniaux érigés dans la wilaya de Médéa, qui faisait partie de la zone 2 de la Wilaya IV historique, durant la Guerre de libération, représentent le visage hideux du colonisateur, qui a pratiqué sur les Algériens les pires sévices physiques et les réduisant à de « vulgaires cobayes ».

Des dizaines de centres de détentions sont devenus, au fil du temps, des lieux où la torture et les pires sévices physiques étaient pratiqués à grande échelle et sans le moindre respect pour le droit ou la dignité humaine.

 »El-Djebassa »,  »Moulin Sportiche », érigés à Médéa,  »El-Koudia El-Hamra », à Tablat, désigné aussi sous le nom du « centre N 602 », spécialisé dans les exécutions sommaires, ou encore « Zmala » à Berrouaghia, et « Bir Hamou » à Ksar-El-Boukhari, furent parmi les tristement célèbres centres de détention et de torture que les anciennes victimes du nazisme avaient édifiées et transformés, après la fin de la Seconde Guerre mondiale, mais plus particulièrement au déclenchement de la Révolution, en enfer sur terre pour les populations civile.

Des milliers d’Algériens, hommes, femmes et vieillards accusés de soutien et de sympathie avec les moudjahidine avaient défilé, tout au long de la Révolution, à travers ces lieux de non-droit qui ont vu le jour à « Damiette », à la périphérie est de Médéa, « Ain-Gueroumi », dans la commune de Mihoub, au nord-est de la wilaya, ou encore, « Aïn Er-riche », dans la localité de Berrouaghia.


Lire aussi: 


Les internés qui sont sortis vivant, après l’indépendance, de ces centres, ont gardé les stigmates des tortures physiques ou psychologiques subies, traumatisés par les horreurs auxquels ils ont assisté. Le sort de milliers d’Algériens se décidait au sein de ces centres de détention que l’administration militaire coloniale avait créés à travers la zone II de la Wilaya IV historique pour « mater » la Révolution et « dissuader » la population d’entreprendre une quelconque action révolutionnaire.

Le défunt secrétaire général du Parti du Front de libération nationale (FLN), Boualem Benhamouda, qui fut interné, pendant des mois, au niveau du centre de détention « Camp Morand », à Ksar-el-Boukhari, avait affirmé, à l’occasion d’un regroupement d’anciens rescapés du centre, organisé, en 2012, que plus de 3.000 Algériens, dont de nombreuses femmes, « croupissaient » à l’intérieur des geôles de ce sinistre centre de détention et qui ne furent libérés qu’à l’indépendance.

Des milliers d’autres Algériens y avaient transité, depuis son ouverture en 1939, et beaucoup n’ont pu en ressortir vivants, selon Benhamouda qui a dévoilé, au cours de son intervention, certains faits « répressibles » et « condamnables » commis contre les internés du « Camp Morand ».

Il a cité, notamment, les cas fréquents de torture et d’exécution extrajudiciaire », dont l’une des victimes n’était autre que feu Aissat Idir, interné de force et exécuté de sang-froid, quelques jours après sa libération de prison.

 

« Vulgaires cobayes »

 

Le « Camp Morand », à Ksar-el-Boukhari, ex-Boghari, plus connu sous le nom de « Camorra », fut l’un des sept grands centres militaires des internés (CMI), créés en Algérie. Il avait servi de lieu de détention pour prisonniers italiens et allemands, durant la Seconde Guerre mondiale, avant de devenir, à partir de l’année 1956, un « enfer sur terre » pour les 900 détenus algériens qui subissaient, de jour comme de nuit, la barbarie des « maîtres des lieux », comme l’affirme l’ancien détenu et moudjahid Belkacem Metidji.

Selon lui, la vie des internés se réduisait à de longues et pénibles journées de travaux forcés, exécutés à l’extérieur du camp, rythmées, par des séances quotidiennes de torture. Les travaux forcés s’effectuaient sous la torture et l’humiliation. « L’appel du soir se faisait sous les coups de crosses », se souvient-il, assurant que certains soldats affectés à ce camp « prenaient un malin plaisir à boxer les pauvres prisonniers, déjà éprouvés physiquement par ces longues journées de travail ».

  1. Metidji, qui avait rejoint les rangs de l’ALN suite à l’appel du 19 mars 1956, et arrêté quelques mois après lors d’une opération militaire dans les maquis de la Wilaya IV historique, avait gardé un souvenir vivace d’un sous officier, dresseur de chien de son état, qui utilisait les prisonniers comme de « vulgaires cobayes ».

« Plusieurs de mes compagnons servaient de proie aux molosses qui aiguisaient leurs crocs sur leurs mollets », raconte-t-il, ajoutant que le dressage des chiens était quasi quotidien.

Il se rappelle également des agissements d’un supplétif de l’armée colonial, un certain caporal Boubaghla, chargé de superviser les travaux sur les chantiers, qui s’amusait à « fouetter, souvent sans raison aucune, les prisonniers affectés sur les chantiers des carrières de pierres ».

Le « Camp Morand » n’est qu’une illustration de la barbarie coloniale et de la haine qui s’exprimait envers le peuple algérien, et des combattants de la liberté en particulier.

Des camps similaires, la Wilaya IV historique en comptait des dizaines, dont beaucoup, ont disparu, aujourd’hui, emportant avec eux, les traces des crimes abominables commis à l’encontre des Algériens.

A lire également

Lire également