Aminatou Haïdar privée de son titre de séjour en Espagne: dénonciations d’une « décision politique »

Aminatou Haïdar privée de son titre de séjour en Espagne: dénonciations d'une "décision politique"

MADRID – Le refus par les autorités espagnoles de renouveler le titre de séjour à Aminatou Haïder a été vivement dénoncé par plusieurs partis politiques en Espagne, y voyant « une décision politique », tandis que la militante sahraouie des droits de l’Homme s’est dit victime d’un « complot hispano-marocain ».

Dans un entretien avec le média espagnol El Independiente, la présidente de l’Instance sahraouie contre l’occupation marocaine (ISACOM), Aminatou Haïdar, a dénoncé le fait qu’on lui a refusé, cette semaine, le renouvellement de son permis de séjour après 16 ans de vie entre les territoires occupés du Sahara occidental et l’Espagne.

Selon la nominée pour le prix Nobel de la paix 2021, il s’agit d’une « décision politique préméditée » des autorités espagnoles.

« Le refus de résidence est un acte très grave. La résolution est pleine d’erreurs, y compris la date de la demande. Mais il ne s’agit pas d’une décision administrative, c’est plutôt une mesure politique », a dénoncé la militante sahraouie en rejetant le prétexte fallacieux donné par Madrid relatif au non-respect du délai de dépôt de la demande.

« En février 2022, j’ai réussi à repartir avec un groupe de Sahraouis des territoires occupés vers les îles Canaries. Comme on me l’a demandé, j’ai déplacé le dossier de Jaén à Madrid. Il n’est pas vrai qu’il a été soumis après la date limite », a-t-elle précisé.

Et de poursuivre: « Aujourd’hui, je me sens à nouveau victime de la complicité hispano-marocaine, la même que j’ai subie en 2009, lorsque le gouvernement de l’époque m’a laissée entrer en Espagne contre ma volonté et sans passeport, en violant toutes les règles de la Loi, même espagnole ».

Par ailleurs, la présidente de l’ISACOM a réaffirmé sa détermination à poursuivre son combat. « La seule chose qui peut me faire taire, c’est la mort. Même derrière les barreaux des prisons marocaines, je ne garderai pas le silence. C’est juste que j’ai une juste cause. Je défends les droits légitimes, non seulement individuels, mais aussi collectifs de tout un peuple, qui est le peuple sahraoui, victime d’une violation de ses droits. Alors non, rien ne peut me faire taire, encore moins (les menaces de) mort. Faites-le savoir aux gouvernements espagnol et marocain », a-t-elle insisté dans son entretien avec le média en ligne.

Même son de cloche chez l’avocat de Mme Haïdar, qui a dénoncé la décision de Madrid: « Nous avons fait appel et, à notre grande surprise, ils nous ont dit « Non » », raconte l’avocat cité par le journal espagnol El Pais. « Nous avons toutes les justifications, mais il est clair que c’est une décision politique », dit-il.

 

Des partis espagnols appellent Madrid à « rectifier » sa décision

 

La décision des autorités espagnoles de ne pas renouveler le titre de séjour à Mme Haïdar a atteint le Congrès espagnol et suscité de vives réactions de dénonciations de partis politiques, selon El Pais.

Le Bloc nationaliste galicien (BNG) a présenté une batterie d’initiatives au Congrès et au Sénat dans lesquelles il demande au gouvernement de Madrid de « rectifier » sa décision et de « réorienter sa politique » au Sahara occidental, en référence au revirement unilatéral du chef du gouvernement Pedro Sanchez, concernant la question sahraouie.

Pour le BNG, « la décision du gouvernement a provoqué rejet, indignation et incompréhension dans l’ensemble de la société », puisque Haïdar est connue « pour sa longue carrière de défenseur de la cause d’un Sahara (occidental) indépendant, ayant personnellement subi la répression, la torture, l’arbitraire, les détentions, voire les disparitions forcées ».

De son côté, l’Union progressiste des procureurs (UPF) a écrit une lettre ouverte au ministre espagnol de l’Intérieur, Fernando Grande-Marlaska, dans laquelle elle qualifie de « scandaleuse et injuste » la décision de priver Aminatou Haïdar de son titre de séjour.

Et de rappeler dans ce contexte que la militante des droits humains se trouvait en Espagne pour recevoir un traitement médical pour ses multiples problèmes de santé : fibromyalgie, ostéoporose chronique, interventions chirurgicales antérieures… conséquences directes d’avoir subi des arrestations arbitraires et des actes de torture par le régime d’occupation marocain, et une disparition forcée pendant quatre ans dans une prison secrète marocaine alors qu’elle n’avait que 20 ans.

« Ces raisons humanitaires qui ont motivé l’octroi de la résidence en Espagne existent toujours. Aminatou Haïdar continue de souffrir d’un état de santé délicat. Par conséquent, forcer son expulsion vers les territoires sahraouis occupés par le Maroc, l’exposerait à nouveau, comme militante, aux autorités d’occupation qui vont la soumettre à nouveau au même danger », met en garde l’UPF.

« C’est immoral à tous points de vue, c’est pourquoi nous demandons le réexamen de la décision et sa révocation », conclut la lettre.

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