Allocution du président de la République lors de la séance plénière du 3e Sommet du Sud à Kampala

KAMPALA – Le président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, a adressé, dimanche à Kampala (Ouganda), une allocution aux participants à la séance plénière du 3e Sommet du Sud, lue en son nom par le Premier ministre, Nadir Larbaoui, dont voici la traduction APS:

« Au nom d’Allah, le Clément, le Miséricordieux,

Monsieur le président,

Excellences,

Messieurs les chefs d’Etat et de Gouvernement

Mesdames, Messieurs,

 

Il me plait, en cette heureuse occasion, de transmettre à votre Excellence, Président Yoweri Museveni, les salutations les meilleures du président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune et toute sa considération, ainsi qu’au peuple et au Gouvernement de l’Ouganda, pour l’accueil chaleureux et l’hospitalité qui nous ont été réservés. Nous tenons, également, à exprimer à votre Excellence notre profonde reconnaissance pour avoir assuré, avec mérite, la présidence du 3e Sommet du Sud qui se tient sur cette terre africaine hospitalière, ainsi que pour avoir réuni toutes les conditions à même d’en assurer le succès.

Je voudrais, également, féliciter mon frère, Son Excellence le président de la République de Cuba, M. Miguel Diaz-Canel Bermudez, pour les efforts remarquables de son pays et son engagement constant tout au long de sa présidence du G77 +Chine l’année dernière.

Notre sommet, qui se tient 19 ans après le deuxième sommet de Doha, revêt une importance extrême, étant une occasion renouvelée de souligner l’esprit d’unité, de solidarité, de complémentarité et de coopération pour réaliser nos aspirations communes à un avenir meilleur qui ne laisserait personne à la traîne, c’est le slogan pour lequel la présidence ougandaise a opté à l’occasion de cette rencontre historique.

Cette rencontre nous offre, à l’approche de la célébration en juin du soixantième anniversaire de la création de notre groupe, l’opportunité d’entrevoir les vastes perspectives de coopération entre nos pays, à même de contribuer au renforcement du rôle axial de notre Forum et son influence sur la formulation du discours international et l’établissement des bases et règles juridiques multilatérales, dans le cadre d’une vision commune tenant compte des exigences du développement durable et de la sécurité, dans leur sens le plus large.

Notre sommet se tient dans un contexte international mouvant et alambiqué, marqué par des scissions, une  polarisation accrue et des défis résultant d’une succession de chocs ayant impacté les pays du Sud, provoquant une exacerbation des crises et une aggravation du fossé entre ces pays et ceux du Nord.

La mondialisation est en recul, et l’interconnexion n’est plus la caractéristique dominante de la coopération internationale, et c’est ce que nous avions perçu dans la riposte disproportionnée aux graves répercussions de la pandémie de COVID-19, qui a frappé les économies de nombreux pays émergeants, ainsi que les effets tangibles des changements climatiques.

De surcroît, la situation géopolitique mondiale complexe a, elle-aussi, posé des défis à nos pays en termes de sécurité alimentaire et en matière énergétique, des défis qui ont, à leur tour, alimenté les conflits et accentué la pauvreté et les disparités, notamment dans les pays à faible croissance, avec une inflation mondiale croissante et des niveaux de dette insoutenables pour certains pays, d’où l’impératif d’une coordination plus étroite et d’une action commune dans le cadre du G77+Chine, au titre de son action naturelle, à savoir le multilatéralisme, et par souci de préserver la force de sa capacité de négociation au sein des organisations internationales, tout en préservant les intérêts des pays du Sud, notamment en ce qui concerne l’égalité en termes de souveraineté, la primauté des solutions consensuelles dans le cadre du multilatéralisme, du développement, de l’autonomisation et des traitements spécifiques et préférentiels sur le plan économique.

Il est tout aussi important pour nous de lancer des initiatives ciblées et d’aller de l’avant avec un plan de développement durable bien ficelé pour 2030, notamment dans le cadre de la coopération Sud-Sud, pierre angulaire de la réalisation de nos aspirations communes.

En soutien à cette démarche, l’Algérie a inscrit la coopération Sud-Sud en tant qu’axe prioritaire au titre de son approche nationale de développement, à travers le lancement de nombreuses initiatives à dimension complémentaire, sur les plans national et multilatéral, outre la consécration de plusieurs projets de coopération visant à appuyer les potentialités dans différents domaines.

Parmi les projets structurants d’envergure, figurent la Dorsale transsaharienne à fibre optique, le Gazoduc et la Route transsahariens, autant d’initiatives à même de contribuer à l’approfondissement de la complémentarité africaine et du développement des échanges commerciaux interafricains.

 

Monsieur le président,

Les dysfonctionnements de gouvernance de l’actuel Ordre mondial basé sur la dominance des pays riches sur les mécanismes de prise de décisions politiques, économiques et financières, ont appauvri les pays du Sud qui continuent à pâtir de la marginalisation, de la dépendance et de l’incapacité à réduire le fossé de développement.

Cet Ordre inéquitable aux mécanismes disparates en appelle à une réforme globale urgente du système économique et financier mondial pour lui conférer davantage d’équité, de représentativité et d’équilibre.

L’Algérie n’a eu de cesse de plaider en faveur de cette réforme depuis les années 70 du siècle dernier, dans le cadre d’une vision clairvoyante et ambitieuse, visant à asseoir les règles d’un nouveau système économique international qui consacre, de manière effective, le principe d’indépendance économique des pays émergeants, en tant que complément essentiel à leur indépendance politique, et en tant que cadre équilibré non seulement en termes d’avantages, mais aussi en matière de responsabilités et de charges partagées.

La réforme du système des Nations-Unies pour plus de représentativité et à même de répondre aux aspirations et aux priorités des pays du Sud, confèrerait davantage d’efficacité à son action, renforcerait le multilatéralisme et permettrait de mieux relever les défis de développement qui se posent à nous aujourd’hui.

La réforme des institutions financières multilatérales, de manière à refléter le rôle croissant des pays du Sud, constitue désormais une nécessité impérieuse pour optimiser les mécanismes de financement du développement et atténuer l’impact des chocs financiers sur les économies émergeantes

La question du financement du développement demeure une préoccupation majeure pour les pays du Sud qui éprouvent des difficultés à mobiliser les ressources financières nécessaires au développement, en raison des faibles flux financiers, une situation d’autant plus exacerbée par la dette extérieure et les conditions injustement imposées par les bailleurs de fonds, qu’une réflexion sur la mise en place de mécanismes efficaces s’impose pour alléger le poids des dettes, voire les annuler ou les restructurer et surseoir aux services de la dette, notamment pour les pays les moins développés.

Au moment où la contribution des pays émergeants au commerce et aux investissements internationaux reste relativement faible, comparé à leurs potentialités, la coopération Sud-Sud revêt une importance extrême pour le renforcement du flux commercial et des investissements et le développement des mécanismes d’intégration économique.

Il convient, à ce titre, de souligner que la hausse et la fluctuation des prix des produits de base sur les marchés internationaux, nous impose aujourd’hui, plus que jamais, d’adopter une nouvelle approche reposant sur l’intensification des échanges et l’accès aux mécanismes et cadres ayant prouvé leur efficacité dans les pays du Sud, à travers la promotion de l’investissement dans les projets d’infrastructures, l’amélioration du financement, la transition technologique et la compétitivité, outre l’amélioration de l’environnement international de l’investissement suivant les fondements du développement durable et les principes de transparence, d’équité et de flexibilité.

 

Monsieur le Président,

Par ailleurs, la transition numérique offre des opportunités et pose de grands défis pour les pays du Sud, ce qui nécessite d’élaborer un cadre de coopération commun à même de contribuer à la réduction du fossé numérique et de vulgariser le recours aux technologies de l’information et de la communication, au service des objectifs du développement durable et au mieux du renforcement de la souveraineté et de la sécurité cybernétique de nos pays.

L’Algérie s’est engagée dans une démarche réfléchie pour se mettre au diapason de la révolution numérique, à travers la création du Haut Commissariat à la numérisation, instance suprême chargée de l’encadrement, de l’organisation et de la gestion des projets stratégiques dans le domaine de la transition numérique.

Je ne manquerais pas de saluer, à ce propos, les pas prometteurs franchis par l’Afrique en matière de commerce électronique dans le cadre des efforts de développement du continent, notamment les efforts en cours de gestion des deux opérations d’évaluation du premier plan décennal et d’élaboration du plan à venir  pour la mise en œuvre de l’Agenda africain 2063, dont les conclusions devront être adoptées lors du prochain sommet africain en février 2024.

Ces deux opérations abordent le commerce électronique et d’autres aspects liés aux technologies de l’information et de la communication, dans le cadre de nombre de domaines de travail prioritaires et d’objectifs stratégiques connexes, en particulier la qualité des services de base, l’intégration régionale et l’infrastructure, y compris la création d’un marché numérique unifié et sécurisé.

Les sciences, les technologies et l’innovation sont un terreau fertile pour la coopération Sud-Sud, l’un des catalyseurs de la croissance économique et du développement durable, d’où l’impératif d’en valoriser la contribution à la réalisation des objectifs de développement, à travers des politiques favorisant le développement des compétences et la promotion de la recherche et de l’innovation scientifiques et technologiques.

Dans ce cadre, il est impératif d’accorder la priorité aux solutions permettant d’aplanir les entraves et les monopoles technologiques, ainsi que les pratiques injustes limitant l’accès des pays du Sud à ces outils modernes et essentiels pour leur développement.

Les petites et moyennes entreprises, ainsi que les startups constituent des vecteurs de développement économique, à même de créer de l’emploi et de booster l’innovation, d’où la nécessité pour nos pays de renforcer le dialogue, la coopération et l’échange d’expériences en la matière. Un objectif pour lequel l’Algérie a consenti des efforts dans le cadre de la mise en œuvre des conclusions du 2e Forum africain des startups, tenu en décembre dernier, lesquelles sont en passe de préparer l’élaboration d’un cadre africain à même de développer ce type d’entreprises, en coordination avec les organes de l’Union africaine et en parfaite harmonie avec les objectifs et principes de l’Agenda 2063.

L’Algérie aspire au lancement d’une initiative similaire au niveau du Sud, en proposant la création d’un pôle d’excellence en matière de détection et de valorisation des +success stories+ des startups innovantes, d’établissement de ponts de communication et d’échange d’expériences et d’initiatives entre les différents pays de notre espace commun.

Compte tenu des répercussions dévastatrices des changements climatiques sur nombreux pays émergeants, il est désormais nécessaire d’adopter une approche commune pour trouver les solutions et moyens à même de faire face à ce phénomène, notamment à travers la mobilisation des ressources nécessaires en vue d’une transition énergétique fluide à même de renforcer la résilience face aux défis qui en découlent. Une approche qui doit tenir compte des exigences du développement durable et de la responsabilité historique des économies développés vis-à-vis de la crise climatique. La consécration de la justice climatique à travers la mise en œuvre des engagements, notamment en ce qui concerne les questions d’adaptation, de pertes et de dégâts, demeure une condition sine qua non pour réaliser équitablement cette transition escomptée.

A ce titre, mon pays attache un intérêt capital à une lutte sérieuse contre les effets négatifs des changements climatiques et contre les catastrophes, notamment à travers son initiative en vue de créer une force civile continentale, à l’effet de faire face aux catastrophes naturelles, garantir une prise en charge efficace et instantanée et apporter l’appui nécessaire aux pays africains impactés par ces désastres.

Mon pays qui s’apprête, début mars prochain, à abriter le 7e Sommet des chefs d’Etat et de Gouvernement des pays exportateurs de gaz, est déterminé à ériger cette rencontre en tournant décisif pour le Forum, dans le souci de renforcer les droits souverains des pays sur leurs ressources, conforter la place du gaz naturel dans le mix énergétique actuel et futur et renouveler l’engagement des Etats membres à optimiser l’efficacité et les performances environnementales de l’industrie du gaz naturel, ce qui permettra une transition équitable, inclusive et réaliste vers une économie à faible émission en carbone.

 

Monsieur le Président,

Il n’est point de doute que ce qui se passe dans les territoires palestiniens occupés, notamment les violations flagrantes du Droit  international humanitaire et la privation du peuple palestinien de ses droits les plus élémentaires, entachera d’opprobre l’histoire de le l’Humanité et souligne la corrélation étroite entre le droit au développement et le droit des peuples à l’autodétermination, conformément aux principes du droit international et aux résolutions de la Légalité internationale, des principes que le Groupe des pays du Sud a, de tout temps, défendus.

Je voudrais, ici, exprimer le soutien total et inconditionnel de l’Algérie au peuple palestinien pour l’établissement de son Etat indépendant avec Al-Qods pour capitale.

Dans le même contexte, mon pays réitère son soutien aux efforts du Secrétaire général des Nations Unies et de son Envoyé personnel pour un règlement juste de la question du Sahara occidental, à travers l’organisation d’un référendum libre et régulier qui garantisse au peuple sahraoui l’exercice de son droit inaliénable à l’autodétermination.

En conclusion, je voudrais réaffirmer l’engagement ancré de mon pays en faveur des principes et des objectifs sur lesquels a été fondé notre groupe et notre pleine disponibilité à poursuivre le travail, à même de promouvoir la coopération et le partenariat entre les Etats du Sud, de manière à réaliser la prospérité pour notre peuple et le développement pour notre monde.

Je vous remercie de votre aimable attention ».

 

 

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